La Normandie passe son bac: mention... passable!
On vous signale parues dans la dernière livraison de la Chronique de Normandie (n°701, 12 juillet 2021) les réflexions lucides, donc cruelles, proposées par Bertrand Tierce sur le retard socio-scolaire normand confirmé à l'occasion des résultats du baccalauréat, cuvée 2021 dans l'académie de Caen-Normandie.
(taux de réussite du bac 2020 en Normandie )
On passera sur un taux de réussite exceptionnel désormais situé à plus de 90% car il ne signifie plus grand chose: les huiles institutionnelles, qu'elles soient politiques ou administratives (notamment celles de l'Education Nationale) continuent à nous jouer crânement jusqu'à l'indécence la comédie de la réussite dans l'excellence alors professeurs, parents d'élèves et élèves mais aussi les employeurs savent que le niveau a baissé, voire qu'il s'est effondré quant à la maîtrise des savoirs fondamentaux dans la langue écrite, la culture générale ou les mathématiques.
On ne développera pas ici les raisons de cette consternante situation qui résulte d'une longue déshérence et d'une cécité idéologique: on s'inquiétera, en revanche, comme le fait très justement Bertrand Tierce, sur les conséquences normandes de cette situation car, pour la Normandie, c'est un peu la double peine!
En effet, nous l'avons déjà amplement dit et démontré ici, la Normandie, ancienne région industrielle et qui le demeure aujourd'hui et c'est un atout, fut longtemps une région du travail facile à trouver sans avoir à faire de longues études générales diplômantes... A la ville comme à la campagne, la formation pouvait se faire sur le tas après l'embauche du fils ou de la fille dans la l'usine, l'affaire ou l'exploitation où les parents travaillaient déjà. Comme le dit Tierce, "cela dessine un profil": plus d'ouvriers que de diplômés.
Mais un profil normand qui s'est retrouvé littéralement fossilisé ou pétrifié ces trente à quarante dernières années par le double effet néfaste de la crise de désindustrialisation des années 1980-2000 et par la division régionale normande: médiocrité localiste, manque d'ambition, défaitisme, chômage, illettrisme, bas salaires, faible niveau de diplômes voilà la matière noire du passif de la division normande, celui d'une région qui après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et les espérances de modernité issues de la reconstruction des années 1960, a totalement loupé le virage de la démocratisation de l'accès aux diplômes tout en retenant dans des villes dynamiques et une métropole régionale rayonnante la meilleure part de la jeunesse normande:
Les médiocres clochemerles entre Caen et Rouen ou entre Rouen et Le Havre dans le cadre d'une Normandie divisée firent, de fait, le désespoir des jeunes normands les plus talentueux et les plus ambitieux qui déguerpirent ailleurs pour se trouver un avenir meilleur...
Cette fuite des cerveaux se poursuit encore aujourd'hui malgré le retour à l'unité normande: on estime que 3000 jeunes bacheliers normands quittent chaque année notre région, autrement dit la crème de la crème normande qui va profiter à l'avenir d'autres régions que la nôtre.
Cette MALEDICTION normande a été clairement identifiée par Hervé Morin qui a décidé de lutter contre elle de façon prioritaire lors du second mandat de l'unité normande car le retard socio-scolaire normand génère un lourd handicap pour le développement économique et industriel de la Normandie parce que les meilleurs de nos jeunes s'en vont tandis que ceux qui restent n'ont pas toujours le niveau ou la bonne formation qui pourraient correspondre aux emplois proposés par les entreprises normandes.
Face à l'ampleur de la tâche et de ce défi, on peut parler d'une seconde RECONSTRUCTION normande...
(SOURCE: Chronique de Normandie, Bertrand Tierce, n° 701, 12 juillet 2021)