La réforme et modernisation de l'Etat est-elle impossible ?
<< Une Tribune Libre de Yuca de Taillefer >>
Si beaucoup conviennent qu'il faille faire évoluer les rapports entre l’Etat et la société (et des différentes strates intermédiaires) pour une simplification et une amélioration de l’action publique, la communication ne fait pas tout (ce n'est qu'un outil comme tant d'autres) : on peut aussi bien se demander si la réforme et la modernisation de la France est impossible !
Des instituts pointent chaque année un bon nombre de déficiences dans la gestion contemporaine de l’Etat et des réformes. Qu’il s’agisse des impôts ou de l’assurance maladie, tantôt il y a déficit de dialogue et de négociation, tantôt d’imagination pour établir les bases de consensus.
Bien souvent les effets d’annonce pallie souvent l’absence de constance politique (de la décision et des règles du jeu) et caractérise le management de l’urgence et de la crise ; la mode est au gadget, au sigle, au "single", à la communication « marketing » (les "grenelles") et cela masque une réflexion et une action du vide, de la routine, alors que chaque mutation exige de véritables changements.
Chaque classe de la population française a été trompée depuis des années, insidieusement trompée : prenons la majorité, la "classe moyenne" de la population française : la classe moyenne a été trompée sur l’allongement des études, sur les efforts financiers fournis depuis des années via taxes, tva, impôts (pour quels résultats ?) et sur les perspectives de promotion sociale. Si ces équations ne sont pas changées, les amertumes ne seront pas résorbées.
Une illustration : United States of France
Au-delà des clivages, la vraie réforme de l'Etat serait de renforcer la régionalisation, de refaire confiance aux gens qui sont sur le terrain : non seulement pour créer des emplois, pour mettre en place des politiques de terrains qui soient adoubées mais aussi pour libérer les énergies dans les entités régionales. Les citoyens verraient alors concrètement les actions qui sont faites et pourront plus facilement demander des comptes sur la bonne utilisation des fonds publics et l'Etat pourrait mieux se consacré à plein temps sur son coeur de métier vu qu'aujourd'hui il doit se disperser beaucoup trop" Yuca de Taillefer
Faits aggravant en France les cycles électoraux, l’électorat volatil, et les gouvernants soucieux de réélection structurent durablement la vie politique. Mais comment peut-on croire que la suppression du Premier Ministre garantisse essentiellement une meilleure cohérence stratégique du pilotage de l’État ? Comment peut-on croire que l'augmentation du pouvoir présidentiel ou parlementaire garantisse une meilleure cohérence stratégique du pilotage de l’État ? Comment peut-on croire que l'augmentation ou la réduction des mandats électifs changera quelque chose à la gouvernance ?
Trop grand, trop lourd, souvent trop bureaucratique, l'Etat est-il impossible à réformer ? L'incapacité, sauf exception (les pays nordiques par exemple, en Europe), des démocraties à réformer en profondeur leurs Etats, parce que le temps nécessaire à une telle réforme est incompatible avec l'horizon limité des alternances politiques, est aujourd'hui une des sources majeures de discrédit de la démocratie telle qu'elle se pratique (autre solution l'autonomie de plus petites entités ayant plus de budgets et prérogatives qu'en France : En Europe, c'est la cas de l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne. Au Royaume-Uni, le Pays de Galles et l'Ecosse ont des statuts leurs permettant d'être autonome au sien d'un Etat). Et l'on voit dans les situations d'alternance politique combien la pauvreté des propositions de réforme de l'Etat vient disqualifier jusqu'à l'idée même d'alternance. C'est dire l'importance de la question de l'Etat.
Illustration : Le carte territoriale espagnole - Joan MIRO,
L’étoile du matin (série des « Constellations »), 1940. Fondation Miro, Barcelone.
Les mutations démocratiques ne se feront plus par le haut mais plus sûrement par le bas ! Depuis des années les partis politiques peinent dans leurs discours, et dans leurs aptitudes à forger de la socialisation politique, de la citoyenneté réaliste. Les enjeux de pouvoir et les interférences créés entre états-majors élitistes, entre partis de gouvernement, haute fonction publique, cabinets ministériels, grands corps (une "France d'en haut"),…, paraît nourrir cette rupture du pacte démocratique et enrayer en conséquence toute bonne communication y compris au niveau des réformes lorsque ces partis sont au pouvoir.
Quand le marketing politique et les effets d'annonce gagne le devant de la scène, alors cet outil prend le devant de la scène et l’accessoire devient l’acteur politique principal ; on en vient à réagir les uns par rapport aux autres en fonction de tel schmilblick, tel bidule.... etc.. et en fin de compte, il n’y a plus personnes en capacité de porter les projets qui peuvent faire la différence.
Si le personnel politique et administratif de tout bord donnent les grandes orientations, il ne doit jamais oublier que c'est le contribuable et citoyen qui financent les politiques et qui ensuite en subit les conséquences.
Illustration : Les rouages de la gouvernance au Canada
Mais de quelle réforme-parle-t-on : de réforme politique ! Structurellement, la seule chose qui semble importante est de faire réfléchir les gens là où on veut conduire la société, et de dire de quelle société avons-nous envie avant de dire de celle que nous avons besoin car des choix sont à faire et donc tous les besoins pourront s’exprimer mais pas forcément cohabiter entre eux et donc pouvoir se réaliser. Les besoins et les envies d'aujourd'hui sont fortes : il s'agit de ne pas décevoir. Mais cela demande de "l'éducation", de la "pédagogie" : les relations sociales, l’ouverture d’esprit importe avant tout mais cela prend du temps à s'enraciner, même en politique et dans les grands corps d'Etat.
Yuca de Taillefer.
En illustration : « La machine France. Le centralisme ou la démocratie ? » (Editions du Temps) de Jean Ollivro professeur à l’université européenne de Rennes-Bretagne
Thèmatiques : gouvernance, réforme, société, management sociétal.
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"La modernisation de l'Etat, un processus permanent dans un cadre renouvelé" par Franck Mordacq, Directeur général à la Direction Générale, Modernisation de l'Etat, Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, publié dans La Revue Parlementaire, de Novembre 2007.
Une définition de la gouvernance :
« Le premier objectif de la gouvernance est d'apprendre à vivre ensemble et à gérer pacifiquement la maison commune ; d'y assurer les conditions de la survie, de la paix, de l'épanouissement et de l'équilibre entre l'humanité et la biosphère ». Pierre Calame, Pour une gouvernance mondiale efficace, légitime et démocratique, Cahier de proposition n°7, 2003.
La gouvernance, tirée du verbe latin gubernare d'où vient aussi le mot gouvernail, décrit la capacité des sociétés humaines à se doter de systèmes de représentations, d'institutions, de processus, de corps sociaux, pour se gérer elles-mêmes dans un mouvement volontaire. Sa première caractéristique est d'assurer la cohésion sociale, la sécurité, tant intérieure qu'extérieure, l'équilibre à long terme des relations entre une société et son environnement, l'épanouissement de ses membres.