GILETS JAUNES NORMANDS: mobilisation dans l'ensemble réussie...
La Normandie s'est particulièrement mobilisée ce samedi 17 novembre 2018 à l'occasion d'un mouvement social aussi exceptionnel qu'inédit dans sa forme... Quoique. Car on pourrait faire le parallèle avec la Harelle de Rouen du XIVe siècle, les Nus-pieds normands ou les Bonnets rouges bretons du XVIIe siècle, les Crocquants du Quercy ou du Périgord du XVIIIe siècle ou la Jacquerie de l'année 1789.
Plus de 25000 Normands ont habillé de jaune leur colère en manifestant sur les routes, autoroutes, rocades, barrières de péage et ronds-points ainsi que 1500 gilets jaunes pour une grande manifestation dans les rues du centre ville de Caen. A la mi-journée, Caen était, d'ailleurs, la capitale française des gilets jaunes par l'ampleur de la mobilisation...
Les blocages ont commencé dès 6 heures du matin à l'entrée de la plupart des villes normandes. Le périphérique de Caen, le péage de Dozulé, les accès à Rouen (rond-point des vaches) ou à Dieppe (à l'occasion de la fête du Hareng), les ponts sur la Seine à commencer par le pont de Normandie étaient les grands objectifs de la journée qui furent tous, peu ou prou, bloqués ou "libérés" (lorsque le péage a été neutralisé) une grande partie de la journée.
A l'heure où nous écrivons, certains barrages filtrants des gilets jaunes normands espèrent durer toute la nuit du 17 au 18 novembre: sur le périphérique de Caen ou au pont de Normandie notamment.
Mise à part quelques petits incidents entre gilets jaunes et certains automobilistes manquant de patience (par exemple: une bagarre à Cherbourg) il faut se réjouir que nous n'ayons pas à déplorer en Normandie les graves incidents hélas,observés ailleurs, notamment avec un décès accidentel sur un rond-point savoyard: la raison en est que la plupart des actions réalisées en Normandie avaient su éviter le blocage totalement hermétique. Au Havre, on a même pu observer une certaine collaboration entre les forces de l'ordre et les gilets jaunes pour assurer la sécurité du barrage filtrant.
Autre chose à observer: le pavoisement normand observé sur une dizaine de voitures des manifestants et sur plusieurs ponts du périphérique de Caen. Ainsi que des slogans portés sur les gilets jaunes: "Viking en colère" ou "vache à lait normande en colère".
Nous étions sur place à la mi-journée sur le périphérique sud de Caen à hauteur de Cormelles-le-Royal et nous fûmes témoin d'une scène plutôt symbolique: un motard en gilet jaune breton se pavane sur sa machine sur laquelle était fixé, sur un manche à balai, un grand "gwen-ha-du" flottant au vent... Il passe alors entre les voitures arrêtées des gilets jaunes normands en les haranguant sur l'air de: "Normands réveillez-vous!". A peine avait-il fait vrombir bruyamment sa machine qu'un gilet jaune normand fit irruption depuis le côté en mettant sous le nez du motard breton quelque peu démonstratif notre paire de léopards sous les applaudissements. Le Breton en fut d'ailleurs content et salua les gilets jaunes normands en levant la roue de sa moto en partant en trombe...
Sur France 3 Normandie, voir la vidéo édifiante suivante:
https://www.youtube.com/watch?v=YWHNwwg1MDw
Sur la plupart des gardes-corps des ponts enjambant le périphérique caennais étaient accrochées des banderoles avec des slogans plus ou moins bien sentis...
Quelques exemples:
"Macron ta politique nous donne la colique"; " La Révolution... En Marche"; "Arrêtez de faire les poches de ma grand-mère"; "vache à lait normande demande exil fiscal en Irlande"; "100 milliards de fraude fiscale: rendez l'argent au peuple français"...
Gilets jaunes en Normandie ce 17 novembre 2018, tentative de revue de presse:
https://actu.fr/societe/gilets-jaunes-nouvelles-actions-ce-dimanche-dans-manche_19621051.html
https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-nous-ne-sommes-pas-des-gueux-17-11-2018-2272289_23.php
Lire aussi le très intéressant dossier de synthèse proposé par l'hebdomadaire l'Express:
Et de cette synthèse, on citera ceci:
Pour Virginie, la capitale et son mode de vie, différents de bien des villes de province, symbolise aussi le malaise des gilets jaunes. "Les Parisiens ont tout sur place pour se déplacer, le train, le métro, le vélo. Pour nous, dans la campagne, la voiture est indispensable. On a trois bus maximum par jour pour aller dans la ville d'à côté".
Enfin, la position d'Hervé Morin, le président de la Normandie sur le mouvement des gilets jaunes:
BILAN du week-end des gilets jaunes normands proposé par Paris-Normandie (18/11/18):
POUR ALLER PLUS LOIN:
- L'analyse proposée par Christophe Guilluy, le géographe par lequel le scandale est arrivé....
LE FIGARO.- Comment caractériser la démonstration de force des «gilets jaunes» samedi?
Christophe GUILLUY.- La mobilisation a été la fois massive et dispersée sur tout le territoire. C'est une confirmation de la confrontation entre la France périphérique et la France des métropoles. Nous ne sommes pas en face d'un mouvement marginal et catégoriel. C'est pourquoi le terme de «jacquerie» me paraît inapproprié. La fronde dépasse le monde rural et touche l'ensemble des catégories modestes. On a vu défiler des ambulanciers, des routiers, des retraités. Les détracteurs du mouvement avaient entrepris, ces dernières semaines, d'imposer l'image d'un rassemblement hétéroclite de «beaufs». Or cet essai de disqualification a échoué. Les enquêtes d'opinion indiquent un soutien massif des Français aux «gilets jaunes». Les partis d'opposition l'ont d'ailleurs compris, car nombre de politiques étaient présents samedi. Surtout, je crois que nous sommes face à un processus de réaffirmation ...
- Confirmation sur France Culture (19/11/18) avec Martial Foucault professeur des universités à Sciences-Po, auteur de Villes de gauche, villes de droite (Presse de Sciences Po, 2018). Il est directeur du Cevipof, qui vient de publier une enquête inédite sur les maires de France. Dans cet entretien, cet enseignant-chercheur revient sur l'échec territorial et politique d'un certain jacobinisme...
- Le billet politique de Frédéric Says sur France Culture (19/11/18): "utiliser comme signe de ralliement le gilet jaune imposé depuis 2008 à chaque automobiliste par l'Etat pour des raisons de sécurité routière c'est, en quelque sorte, retourner le stigmate..."
- Autre confirmation: Macron... M le... mépris! Alors qu'un sondage nous annonce que la moité des maires actuellement en poste souhaite ne pas se représenter en 2020, Emmanuel Macron a annoncé qu'il ne se rendrait pas au prochain congrès des maires de France. La fracture politique entre les territoires, entre la fameuse "France périphérique" et celle des grandes métropoles branchées sur la Mondialisation est totale au moment où certains groupes locaux de gilets jaunes en appellent désormais au soutien des maires de leurs communes...
Déclaration de François Baroin au Parisien: Concernant la crise des gilets jaunes, il y voit une « vraie rupture entre les élites et les classes moyennes » : « Il faut baisser la pression fiscale », plaide le patron des maires.