CONFERENCE DE PRESSE du 25 avril 2019 ou le tête-à-queue GIRONDIN d'Emmanuel MACRON
Emmanuel Macron a le dos au mur et, en terme de symbole, après l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, notre cathédrale nationale, mais aussi après 5 mois de révolte d'une partie des classes populaires, le mur est brûlant!
En dépit d'une certaine arrogance affichée d'emblée en balayant la question du doute exposée en préambule - "A-t-on fait fausse route? Je crois tout le contraire!"- Emmanuel Macron se montre lyrique en évoquant pendant près de trois heures, un objectif très ambitieux: reconstruire "l'art d'être français". Le président de la République a été visiblement frappé par le signe de l'incendie de Notre-Dame venant comme une apothéose hugolienne à l'incendie social et politique qui perdure depuis novembre dernier avec la crise des Gilets Jaunes.
Le tournant se veut plus social: voit-on enfin un peu, la jambe gauche (au moins jusqu'au mollet) du Macronisme? Cela implique des dépenses supplémentaires qui doivent être financées par des réformes structurelles profondes de l'Etat central jacobin mais aussi par une prise en compte de l'importance de la fraude et de l'optimisation fiscale abusive qui ruine le consentement républicain à l'impôt: la cour des comptes va être chargée de faire une étude précise et complète sur le sujet avec des propositions de réformes.
Mais on retiendra, bien évidemment, l'annonce d'un nouvel acte de décentralisation au premier semestre 2020 d'autant plus que le président de la République a commencé son propos liminaire par ce sujet...
Emmanuel Macron redécouvre, soudain, le programme du candidat Macron du printemps 2017 qui nous annonçait un "pacte girondin", annonce devenu un boniment plutôt piteux ces deux dernières années avec un retour de bâton néo-jacobin venu d'une haute fonction publique d'Etat dont Macron nous dit désormais qu'elle serait totalement réformée avec la suppression des grands corps dont il est lui-même issu: il fallait donc que le Hara-Kiri soit à l'initiative d'un homme du sérail...
"Il y a trop de monde à Paris pour décider et pas assez de fonctionnaires pour accompagner les citoyens, les entreprises et les associations sur le terrain."
Citant les exemples des outremers, "l'insularité de la montagne corse", "les spécificités de la Normandie ou de l'Occitanie", Macron nous parle de reconnaître le droit à la différenciation dans le cadre d'une contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Plus précisément, Emmanuel Macron nous annonce des réformes importantes qui interpellent les régionalistes normands que nous sommes, notamment la suppression des doublons de compétences entre les collectivités et l'Etat en région pour aller vers une spécialisation claire et précise pour chaque collectivité avec le transfert de la responsabilité fiscale et financière pour aller vers une véritable responsabilité démocratique des assemblées délibératives élues territoriales.
Nous applaudissons. Mais nous attendons d'en voir les mises en oeuvre concrètes dans le courant de l'année 2020.
Autre annonce importante: le transfert des compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales pour toutes les questions de la vie quotienne.
Du côté de l'Etat en région, les préfets auront leurs pouvoirs renforcés dans le domaine des compétences régaliennes essentielles.
En revanche, Emmanuel Macron n'a fait aucune allusion à une retouche de la géographie régionale issue de la réforme bâclée de 2015 (sauf pour la Normandie) sachant que le dossier de la fusion alsacienne pour créer une collectivité territoriale unique devrait arriver à terme en 2022.
Au niveau local, Emmanuel Macron souhaite la réhabilitation de la fonction de maire mais n'a rien dit du dossier compliqué de l'intercommunalité: rien sur la nécessité de limiter la taille des intercommunalités ou de mieux encadrer les fusions de communes.
Le président nous annonce un "pacte territorial" pour les territoires ruraux avec la promesse d'un moratoire sur la fermeture des écoles et des hôpitaux: compte tenu des pratiques actuelles de la haute-fonction publique (on pensera aux catastrophiques Agences Régionales pour la Santé) cette annonce nous laisse plutôt sceptique...
Il nous annonce la création de maisons des services publics toutes situées à 30 minutes maximum et présentes dans chaque canton et la lutte contre les déserts médicaux sera au coeur des priorités: faut voir...
Influence de Stéphane Bern, peut-être, ce futur "pact territorial" permettra un soutien aux projets patrimoniaux et culturels qui dynamisent l'économie locale: l'idée est intéressante mais si on veut supprimer les doublons il ne faudrait pas que l'Etat doublonne une politique régionale de contractualisation territoriale qui existe déjà et qui est menée par les régions.
La même question se pose aussi avec l'annonce séduisante de créer des campus connectés en zone rurale (réinvention des IUT): là encore, les régions agissent déjà.
Enfin, la réforme démocratique proposée est frileuse alors qu'elle était au coeur des revendications des Gilets Jaunes et des propositions remontées du grand débat:
Emmanuel Macron ne veut pas de reconnaissance du vote blanc, ne veut pas du référendum d'initiative citoyenne (R.I.C) mais souhaite abaisser à 1 million de signature l'accès au Référendum d'Initiative Partagée qui existe déjà mais qui n'est pas utilisé en raison de sa trop grande complexité. En revanche, Macron ouvre la porte à la création d'un droit local de pétition auprès des collectivités pour obtenir des élus l'inscription d'un sujet à l'ordre du jour des assemblées délibératives.
Au niveau national, le président de la République veut introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée Nationale, limiter le nombre de députés et instaurer le mandat non reconductible: pas sûr que ces mesures renforceront l'autonomie du parlement vis-à-vis du pouvoir exécutif dont il doit, en principe, contrôler l'action. On notera que, fort prudemment, Macron n'a fait aucune allusion au ... Sénat.
Enfin, il nous a été annoncé la constitution d'une assemblée citoyenne tirée au sort pour renforcer le CESE qui reprendrait sous son aile les différentes institutions de contrôle de la démocratie et de l'état de droit. Dès juin 2019: 150 citoyens vont débattre de la réforme du financement de la dépendance et de la question de l'âge du départ à la retraite.
Regrettant de n'avoir pas été assez compris en mettant cette incompréhension sur le compte d'une "conception trop saint-simonienne" de son action (pour mémoire Saint-Simon disait, non sans arrogance, qu'il fallait remplacer le gouvernement des hommes par celui des choses), Emmanuel Macron a donné, ce soir, l'impression qu'il avait compris l'âme collective de la France puisqu'il évoque "un changement de méthode très profond, un projet plus humain, plus enraciné..." pour "aller vers une république contractuelle", plus girondine et démocratique (c'est nous qui ajoutons). Mieux vaut tard que jamais!
Mais, au cas où, nous gardons à portée de main la pancarte qui nous a bien servi cet hiver dans les manifestations:
"Macron, méfité, méfité co, méfité tréjou!"