LE HAVRE: le grand retour de la marine de commerce à la... voile pour le transport transatlantique du café!
Changement climatique et transition énergétique décarbonée obligent, voici que devient possible le beau rêve poétique de faire revivre la grande marine de commerce à la voile qui eut son heure de gloire entre la première moitié du XVIe siècle et la première moitié du XXème siècle avec une apogée entre 1750 et 1850.
Un armateur breton a décidé de faire construire un cargo à voiles dans l'esprit des grands clippers transatlantiques de la fin du XIXe siècle qui transportaient en un temps record le café ou le thé entre l'Europe et l'Amérique: ces grands oiseaux de toile, de bois puis de métal chantés par le poète firent la fortune américaine d'un port comme celui du Havre.
C'est précisément le grand port normand que cette société bretonne a choisi comme port d'attache dans le but de relancer la ligne transatlantique entre Le Havre et l'Amérique du Sud pour le transport de denrées ou de marchandises à forte valeur ajoutée telles que le café en grains de haute qualité conditionné en sacs dont la manutention ne peut pas se faire dans le cadre de la massification conteneurisée.
Dans un premier temps, ce retour sur la mer de cargos à voiles (ou néo-clippers) comme certains petits paquebots de croisière ne concerna qu'un marché de niche. Mais si l'efficacité financière du renouveau d'un mode de transport que l'on croyait révolu était ainsi démontrée, on pourrait voir aussi, peut-être, des porte-conteneurs propulsés à la voile...
Le Bélem, le dernier grand clipper historique encore en parfait état de naviguer: construit en 1896, il naviguait autrefois sur la ligne Nantes- Bélem (Brésil) pour le transport du café...
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Faire transiter des milliers tonnes de marchandises à travers l'Atlantique en cargo-voilier : c'est le projet (pas si) fou qui devrait voir le jour dans le port du Havre en 2022.
Sur des quais où le porte-conteneurs règne en maître, un nouveau navire, dont les allures ne manqueront sûrement pas d’attirer l’attention, devrait bientôt faire son apparition. D’ici « fin 2021 – début 2022 », un voilier-cargo devrait prendre ses attaches dans le port du Havre (Seine-Maritime). Ce bateau du futur, qui sera construit par la société bretonne Towt, implantée à Douarnenez (Finistère), assurera une liaison régulière avec l’Amérique du Sud.
Si le projet paraît un peu fou, ce transport de marchandises à la voile n’a rien « d’une lubie romantique », assure Guillaume Le Grand, co-fondateur et président de l’entreprise. « Il s’agit de la seule source d’énergie permettant d’offrir un transport 100 % décarboné. »
Long de 70 mètres, le voilier-cargo de Towt pourra transporter jusqu’à 1 000 tonnes de marchandises, à la simple force du vent donc. Le premier sera mis en service d’ici deux ans, puis d’autres suivront. « Notre objectif est d’en avoir quatre en 2025 afin d’assurer une escale une fois par mois », détaille le patron de l’entreprise.
Avançant à une vitesse de 11 nœuds en moyenne, contre 14 nœuds sur un cargo classique « carboné », il offrirait même des « lead time (temps de transit total) qui sont meilleurs que chez d’autres concurrents, qui font notamment des escales pour de plus nombreux clients. Sur une transat, il faudra compter 14 jours, avec 36 heures de souplesse », estime-t-il. Le tout avec une emprunte carbone hors compétition même face au gaz naturel liquéfié, « qui reste des hydrocarbures ».
En plus de cette touche verte qu’il lui apporte, la petite entreprise bretonne espère aussi séduire le port du Havre par son activité « socialement plus bénéfique ». « Au début, les dockers nous ont un peu regardé bizarrement, s’amuse le président de l’entreprise. Mais ils ont vu comment on travaille, ça a réveillé des souvenirs chez les plus anciens. Ils ont retrouvé les gestes d’avant et les ont montrés aux plus jeunes. »
Sur les quais de la cité Océane, où les vieux gréements qui transportent actuellement café et chocolat pour le compte de Towt ont déjà été accueillis et le seront encore en mai prochain, Guillaume Le Grand l’assure, « pour ces escales, nous avons été très bien accueillis par tout le monde ici, que ce soient avec les entrepositaires, les douaniers… »
Réaliste, Guillaume Le Grand n’ambitionne pas de faire toute de suite de l’ombre aux géants des mers que sont les portes-conteneurs. « Il faut commencer petit », admet-il tout en posant son projet sur le long terme. « Où en sera-t-on dans 50 ans ? Est-ce qu’on continuera à faire venir des tonnes de marchandises en conteneur depuis Shanghai ? »
Pour lui, la mise en place et le développement de cette ligne régulière de voilier-cargo reste « un symbole fort » dans un port de l’importance de celui du Havre. « Nous réfléchissons même à venir de façon plus pérenne ici, en installant peut-être un établissement. »
Assurant se situer « sur des coûts comparables » au transport par cargo classique, « autour de quelques centimes le kilo », Guillaume Le Grand reconnaît « qu’on ne va bien sûr pas être moins cher ». Mais ils espèrent séduire ses clients par « l’identité que cela peut donner aux produits. En terme de RSE [« responsabilité sociétale, NDLR], mais aussi de marketing, cela renvoie l’image d’une entreprise capable d’anticiper le réchauffement climatique. De plus en plus de consommateurs sont sensibles à l’impact environnemental de ce qu’ils achètent. »
Au-delà du café déjà acheminé par ses soins à l’heure actuelle, l’entreprise espère donc élargir ses transports « au vin, aux spiritueux, au sucre… » Pour capitaliser sur cette « valeur ajoutée » des produits transportés à la voile, la société délivre même un label spécial, baptisé Anemos, clin d’œil au dieu du vent et des tempêtes.
Comme Towt, plusieurs entreprises françaises se sont récemment lancées dans le pari du cargo à voile. C’est notamment le cas de Grain de Sail, qui produit café et chocolat du côté de Morlaix, ou encore de Neopalia, start-up nantaise qui travaille sur un projet de voilier-cargo capable de transporter l’équivalent de 280 conteneurs ou 500 voitures.