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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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21 juin 2020

Tribune d'Hervé MORIN: rebâtir la démocratie française sur le principe girondin de subsidiarité.

Sur le front de la réflexion générale et des idées politiques, nous sommes heureux de constater que les Normands prennent des initiatives sinon la plume pour secouer les consciences et proposer des solutions qui soient à la hauteur de la crise actuelle: une crise sanitaire et économique exceptionnelle par sa gravité et sa soudaineté qui révèle à toutes celles et à tous ceux qui veulent bien voir, des fragilités structurelles sociales, culturelles et politiques.

Après les philosophes normands ou d'origine normande Marcel Gauchet auteur d'une tribune éclairante sur le naufrage de l'Etat central dans les débuts de la crise sanitaire et Michel Onfray qui se lance dans l'aventure d'une refondation intellectuelle et politique de la souveraineté nationale, après l'écrivain Alexandre Jardin qui a décidé d'écrire une saga normande pour illustrer cette France des réalités provinciales qui a tenu bon pendant la crise et qui assurera bien plus l'avenir de notre patrie que tout ce qui pourrait se dire et s'écrire en la place de Paris, c'est au tour du président de région normand Hervé Morin d'écrire et de proposer ses réflexions à l'occasion d'une tribune publiée dans la presse quotidienne régionale.

Hervé Morin en appelle à une refondation girondine et démocratique de notre République en prenant, enfin, l'idée régionale au sérieux. Concrètement, il s'agit de mettre en oeuvre un principe de subsidiarité non pas descendant sinon condescendant (déconcentration de l'Etat central ou sous-traitance par ce dernier de ce qui est le plus anodin aux collectivités territoriales dans le cadre d'une décentralisation qui n'est pas une régionalisation) mais, au contraire, de mettre en oeuvre la subsidiarité authentique: une subsidiarité ascendante et démocratique.

Avant de vous laisser lire les réflexions du président de la Normandie, on vous rappelle de quoi "subsidiarité" est le nom:

La subsidiarité est un concept juridique qui nous vient en droite ligne du droit canon médiéval de l'Eglise catholique: forgé à partir des réflexions du philosophe et théologien Saint Thomas d'Aquin qui a repris l'idée à Aristote, le philosophe classique grec qui s'intéressa à la question de savoir comment établir une paix civile harmonieuse dans un état...

En effet, la subsidiarité est une pensée de la responsabilité individuelle et collective, donc une pensée de ses limites lorsqu'une responsabilité doit se substituer à une autre qui est défaillante face à un problème qui exige l'exercice d'une responsabilité capable de trouver une solution.

L'idée est simple sinon sage:

Un problème doit est résolu, un rôle doit être tenu, une action doit être conduite par celui ou ceux qui en ont directement la responsabilité en tant qu'ils sont les premiers concernés. Mais si les premiers acteurs responsables sont défaillants et incompétents, ils doivent céder leur responsabilité et leur droit et devoir d'agir à une autorité qui leur est supérieure.

L'idée est d'assurer et d'assumer un "laissez nous faire" général sous une autorité supérieure et bienveillante qui fait confiance.

Si l'on passe du droit canon de l'Eglise à la science politique, la subsidiarité est le principe de responsabilité qui limite le recours à une bureaucratie autoritaire, discrétionnaire et infantilisante d'autant plus envahissante qu'elle prétend tout contrôler:

Héritier du despotisme éclairé des Lumières du XVIIIe siècle, l'état central jacobin à la française monopolise la définition de l'intérêt général et impose cette définition à l'ensemble de la société civile pour son bien même si cela lui fait souvent du mal... 

La subsidiarité ascendante et démocratique, donc girondine, devrait pouvoir faire exactement le contraire avec une co-production de l'intérêt général entre la société civile représentée en ses divers corps, notamment les collectivités territoriales et un Etat central recentré sur ses grandes responsabilités régaliennes qui doivent assurer la pérennité de notre collectivité nationale et sa souveraineté: la crise du coronavirus a, d'ailleurs, particulièrement mis en valeur, non sans cruauté, la faillite de cette notion de souveraineté et donc son importance vitale.

Une souveraineté nationale française affaiblie qui doit donc être reconstruite dans un cadre européen devant être, lui-même, profondément rénové et qui ne passe pas forcément, comme le pensent encore une majorité de souverainistes, par le retour à un état central exclusif et la fin de l'expérience de décentralisation régionale ouverte au début des années 1980.

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Le Général de Gaulle avait déjà compris, avant nous, qu'il était possible de renforcer la souveraineté de la France par une régionalisation qui responsabilise les territoires avec des souverainetés locales et régionales travaillant plus efficacement au renforcement de la souveraineté nationale que ne pourrait le faire l'état central seul: c'était l'enjeu sinon l'ambition du fameux référendum d'avril 1969 qui a été refusé par les Français provoquant le départ définitif du Général de Gaulle de la scène politique nationale.

Plus de 50 années plus tard, nous en sommes encore à chercher la bonne solution. Le moment girondin est-il enfin arrivé? Avec la Normandie qui montre la voie et des Normands qui donnent de la voix...

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https://www.territoires.org/herve_morin/herve_morin_une_democratie_locale_allant_du_bas_vers_le_haut_enjeu_cl_pour_demain

Hervé Morin :

"Une démocratie locale allant du bas vers le haut, enjeu-clé pour demain."

Hervé Morin, cofondateur de Territoires!, Président de la Région Normandie, a rédigé une tribune dans le journal Ouest France dans laquelle il dénonce les limites du centralisme d'État et appelle à "une démocratie régénérée" en donnant plus de moyens d'actions aux territoires.

 La crise du Covid fera l’objet d’innombrables analyses, enquêtes parlementaires voire judiciaires. Les défaillances de l’État, en termes de capacité d’anticipation et de réactivité, la confusion préjudiciable du discours gouvernemental, la faiblesse de notre structure de santé qui a cependant tenu grâce au dévouement de nos soignants, l’implosion européenne incapable de porter une politique commune sur les éléments relevant de son champ d’action comme celui des frontières, ne pourront bénéficier du droit à l’oubli et méritent en tout état de cause que l’on s’interroge collectivement.

Place à une démocratie locale

La crise du Covid pointe plus largement les faiblesses de notre organisation démocratique et notamment les limites de notre fonctionnement centralisé. Pourtant, aux premiers jours de la crise, nous aurions pu penser que notre jacobinisme allait cette fois nous distinguer positivement des autres pays. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Une fois de plus, notre centralisme et la défiance viscérale de notre appareil d’État vis-à-vis des élus locaux ont montré leurs limites. Dans bien des cas, l’agilité des collectivités locales aurait mieux fait que la lourdeur de l’appareil d’État. Pourquoi avoir interdit si longtemps les promenades à marée basse sur les littoraux de la Mer du Nord, de la Manche ou de l’Atlantique ? Pourquoi avoir traité cafés ou restaurants de la même manière à Colmar comme à Honfleur ou un village de la Creuse ? Les élus locaux ont agi et agissent encore mais ils n’en pensent pas moins de cet État qui sait toujours mieux que tout le monde et, au final, se trompe le plus souvent. Un enjeu clé pour demain est donc bien celui des libertés locales. Finie cette décentralisation concédée ou chipotée par l’État et place à une démocratie locale allant du bas vers le haut, facteur d’efficacité, de réactivité, de citoyenneté. Une démocratie régénérée par ses racines.

 En 1969, le Général de Gaulle avait tiré les conséquences de la crise de mai 1968 en proposant aux Français la régionalisation. Il voulait que chaque Français puisse « participer effectivement à ce qui le concerne ». Sur ce point aussi, le général de Gaulle avait vu juste.

Il avait compris que la question pour le futur n’était plus la reconstruction de l’unité du pays mais la libération des énergies par la régionalisation, l’autonomie locale et la participation des citoyens. Un demi-siècle plus tard, dans une France post gilets jaunes et post Covid, nous serons face au même défi, celui d’une organisation des pouvoirs nouvelle fondée sur le principe de subsidiarité. Les compétences ne sont confiées à l’échelon supérieur que si elles ne peuvent être exercées à l’échelon le plus proche du citoyen. Et cette compétence est d’exercice plein et entier et non partagé entre l’État et les collectivités. Et il faut garantir ces principes par la Constitution.

 

Réaffirmer l’importance des libertés

Notre fragilité démocratique ne se limite pas à notre centralisation excessive et étouffante. Plus sourdes mais non moins inquiétantes sont pour la « France d’après » les effets possibles des atteintes aux libertés individuelles que nous avons consenties durant cette période. Entendons-nous bien, personne ne doute de la passion démocratique du chef de l’État et personne ne pense que les mesures « liberticides » ordonnées depuis mars n’étaient pas nécessaires à la résolution de la crise. Mais, venant après ce que la lutte contre le terrorisme avait aussi exigé en termes de recul des libertés publiques au cours des cinq dernières années, le sujet des libertés individuelles est tout sauf anodin ou mineur.

Comme l’écrivent les chercheurs américains Levitsky et Ziblatt, les règles implicites et le consentement partagé sont, autant que les constitutions, les meilleurs garants de la protection de la démocratie. À l’inverse, ils montrent que l’on peut vite passer et au nom de l’intérêt général et de la protection des citoyens, de la démocratie à des formes plus ou moins prononcées d’autoritarisme.

 Il y avait eu d’abord la funeste idée du gouvernement – Dieu merci abandonnée – d’un site qui désignait les bons et les mauvais articles sur le Covid, puis vint le projet de traçage des personnes avec l'application Stop Covid, et voici à présent la loi dite Avia qui pourrait permettre à l’exécutif et non au juge de censurer l’expression haineuse sur internet.

Ce que je veux dire est que dans un contexte possible de crise politique et sociale, le dérèglement de notre horloge démocratique avec ses pouvoirs et ses contre-pouvoirs pourrait être rapide dans des mains autrement plus lestes que celle de l’actuel chef de l’État.

 Réécrire le contrat démocratique qui fonde notre unité, revenir au dialogue singulier entre l’aspiration des Français à l’unité républicaine et leur même passion pour leurs territoires, réaffirmer l’importance des libertés et des énergies locales, reconstruire un Parlement qui ne soit pas une simple chambre d’enregistrement, redoubler de vigilance sur toute décision portant atteinte, même pour notre bien, à nos libertés, voici une belle feuille de route pour la France d’après. Une feuille de route nullement incompatible avec le travail de redressement économique qui nous attend collectivement.

À la demande de sécurité et de protection qui surgira forcément de la crise économique et sociale des mois à venir, c’est à l’évidence par plus de démocratie que nous devons répondre.

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Commentaires
C
Voir aussi dans Paris-Normandie: Hervé Morin dessine un nouveau front de progression pour la décentralisation régionale. Notamment les ports ou les agences de l'eau...<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.paris-normandie.fr/actualites/politique/regionales-2021-herve-morin-pose-ses-conditions-pour-un-report-eventuel-DN16935732
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C
C 'est bien connu, on ne répond jamais à la question du référendum mais pour ou contre celui qui la pose <br /> <br /> Malheureusement
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K
Quand on y pense bien, le référendum de 1969 sur la régionalisation et la suppression du Sénat est le symbole du problème politique français : on refuse une régionalisation qui était pourtant soutenue majoritairement.<br /> <br /> <br /> <br /> Pourquoi ? Car le référendum a été biaisé par des considérations politiciennes parisiennes. La question du référendum était devenue : "pour ou contre De Gaulle ?", et les Français se sont laissés emporter sur cette tangente. Terrible : un référendum sur le girondinisme dénaturé par la politicaillerie jacobine. Symptomatique d'un grand pays certes, mais qui n'arrive pas à dépasser la Révolution française datant pourtant de la fin du XVIIIème siècle...
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C
Valérie Pécresse en appelle aussi à plus de décentralisation régionale pour gérer les conséquences de la crise:<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.lefigaro.fr/politique/face-a-la-crise-pecresse-preche-pour-un-grand-mouvement-de-decentralisation-20200621
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