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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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13 janvier 2012

LE MONT ST MICHEL AU PERIL DE LA MER...CANTILISATION !

 

 
Un article excellent à lire dans le Magazine Le Monde M sur le Mont Saint-Michel au péril de la mer...cantilisation!
 
Le Mont Saint-Michel perd-il le nord ?
Conçus pour préserver le site, les réaménagements en cours enflamment la baie. Tout est question d'orientation : faudra-t-il faire partir les navettes du nord ou du sud du parking ? Le maire, qui possède hôtels et restaurants, est accusé de manquer de neutralité.Par Frédéric Potet / Photos Simone Perolari
 
 
  
 
C'est un micmac passionnel, digne de la ferveur qu'inspire le site. S'y mêlent des histoires de gros sous, des querelles régionales, des tergiversations politiques, et même un zeste de spiritualité. Il y est question, aussi, d'un parking tout neuf de 4 000 véhicules. Et de navettes pour transporter les visiteurs. Des navettes plutôt originales d'ailleurs, avec leur revêtement en teck et leur double poste de conduite (un devant, un derrière, afin d'éviter les demi-tours). Quand celles-ci, fin avril, commenceront à déverser leurs premiers passagers aux portes du Mont-Saint-Michel, la polémique n'aura pas faibli. Nord, sud ? Le débat sur le futur point de départ de ces autobus enflamme la baie. Il fait passer également au second plan le grand projet auquel il est associé : le rétablissement du " caractère maritime " de ce fleuron du tourisme mondial visité chaque année par 2,5 millions de personnes.

Aux origines de l'affaire se trouvent un premier ministre et une urgence environnementale. 1995 : Edouard Balladur lance les grandes lignes d'un programme visant à " rendre " le site à la mer. Menacé au fil des siècles par la sédimentation, le Mont-Saint-Michel ressemble de moins en moins à une île. Les prés salés gagnent du terrain et risquent de remporter définitivement la bataille si rien n'est fait. Un barrage sur le Couesnon est imaginé - il sera inauguré en 2009 - pour accentuer le pouvoir de " chasse " que la rivière exerce sur l'ensablement. Un nouveau plan d'accès pour les touristes est également pensé : la digue-route - édifiée en 1879 - sera remplacée en 2014 par un pont-passerelle sur lequel ne rouleront que des navettes. Quant aux quinze hectares de parkings qui bordent actuellement la digue, ils seront déplacés sur le continent, à la Caserne, la zone commerciale faisant face au Mont. Bientôt en service, ce nouveau parc de stationnement est situé à l'extrémité sud du lieu-dit, à 2,5 km des illustres remparts. Tout le hic est là.

Selon le plan de circulation adopté fin 2009, les touristes devront marcher au minimum 900 mètres pour atteindre les navettes, dont le départ a été fixé au pied de la digue-route, au nord de La Caserne. Trois chemins pédestres leur seront proposés, mais le plus évident à emprunter, car offrant une vue immédiate sur la " Merveille de l'Occident ", contournera par l'est la zone commerciale. A l'arrivée, ce chemin débouchera sur deux hôtels contrôlés par... le maire du Mont-Saint-Michel, Eric Vannier. Pur hasard ?

Né en 1952, élu à quatre reprises à la tête de cette minicommune de 100 habitants, Eric Vannier est aussi le propriétaire de l'Auberge de la Mère Poulard, restaurant mondialement connu pour son omelette. Self-made-man ayant multiplié les rachats ces dernières années, Vannier possède aujourd'hui 25 " affaires " intra-muros et à La Caserne : des hôtels, des restaurants, des magasins de souvenirs, deux musées... Battu aux municipales de 2001, cet ancien encarté RPR reprend la mairie en mars 2008. Deux mois après, il écrit à Nicolas Sarkozy en vue de " recadrer " le plan d'acheminement imaginé par le Syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel, l'organisme regroupant les différentes collectivités locales (régions, départements, communes...). A cette époque, la Déclaration d'utilité publique prévoit en effet que le point de départ des navettes soit situé au niveau des nouveaux parkings, au sud donc. Miracle : un an et demi plus tard, l'appel d'offres lancé par le Syndicat mixte auprès de quatre groupes privés candidats à la Délégation de service public retient une " variante " proposée par Veolia de faire partir les navettes au nord. Au pied de chez monsieur le maire.

Depuis, la tempête souffle sur la baie avec l'énergie d'une marée d'équinoxe. Le principal rival commer-cial de Vannier, Jean-Yves Vételé, a déposé deux recours devant la justice administrative (il a gagné le premier et perdu le second ; des appels sont en cours). Patron de la Sodétour, une société regroupant plusieurs familles locales et gérant un ensem-ble hôtelier et commercial, Vételé dénonce un " manque d'équité "dans la captation de la clientèle de passage. Comme dans les films de série B, la Caserne est en effet coupée en deux : la Mère Poulard " détient " le nord de la zone, la Sodétour le sud. Craignant que les touristes circulent peu devant ses établissements, Vételé estime à 4 millions d'euros de chiffre d'affaires le préjudice à venir. " Il ne fait aucun doute que M. Vannier a fait un travail de lobbying actif au sein du Syndicat mixte ", pointe-t-il.

D'autres voix, comme celle de l'ancien maire P-atrick Gaulois, proche de Vételé, se souviennent du climat de " psychose " que Vannier aurait entretenu au sein des commerçants intra-muros - population au poids prépondérant vu qu'elle constitue l'unique catégorie professionnelle de la commune : " Il nous a expliqué que si les navettes partaient du sud, des boutiques seraient créées sur le parking même : les touristes, du coup, n'iraient plus acheter de crêpes chez nous. " Un autre argument pèsera également beaucoup dans la balance : le tarif des billets. Actuellement, celui-ci est de 6 euros. Selon les simu-lations de l'époque, un départ au sud (parking + navette) aurait coûté le double pour une voiture de trois personnes. Dans sa lettre de mai 2008 à N-icolas Sarkozy, Eric Vannier va jusqu'à évoquer une fourchette de " 15 à 25 euros ".

Le hasard, ou la raison, fera bien les choses : dix-sept mois plus tard, la " variante " imaginée par Veolia, le groupe d'Henri Proglio, ami proche de Nicolas Sarkozy, propose un tarif à 8,50 euros pour un départ au nord. Son montant peut sembler exagérément bas alors que 900 mètres séparent les deux options : la différence s'explique notamment par le fait qu'il est plus simple de transporter des piétons s'épanchant jusqu'à un point donné que des flux de touristes sortant directement de leur auto. Autre avantage : l'option sud aurait entraîné un surcoût de 4,5 millions d'euros pour les collectivités. Celles-ci paient déjà 185 millions d'euros sur les 212 que coûte le projet global de rétablissement de l'insularité du Mont. " On a choisi le nord car c'est le moins cher ", martèle aujourd'hui le président du Syndicat mixte, Laurent Beauvais, également président (PS) de la région de Basse-Normandie. L'option nord est adoptée à l'unanimité.

L'histoire en resterait là si Laurent Beauvais ne venait pas, il y a un mois, de commander une étude interne sur les incidences techniques et financières d'un éventuel retour... au sud, d'ici deux ans ! Un pas en avant, un en arrière ? Derrière ce pragmatisme très normand en apparence - " Regardons ce que cela donne et modifions les choses si besoin " - se cache une stratégie : se rabibocher avec la région Bretagne. Ajoutant au méli-mélo, celle-ci a en effet voté une délibération, fin juin, pour réclamer que les navettes partent au sud. Les Bretons ne s'étaient pourtant pas opposés au nord, fin 2009. Mais ils ont changé d'avis en prenant conscience de l'aberration du plan de circulation : " Demander à des touristes de marcher 900 m à l'aller et autant au retour pour prendre un bus est une hérésie complète ", estime Maria Vadillo, la vice-présidente (PS) chargée du tourisme et du patrimoine au Conseil régional. Depuis, la Bretagne ne siège plus aux réunions du Syndicat mixte.

Comment ne pas voir derrière ce différend régional la résurgence d'une querelle ancestrale sur l'identité normande ou bretonne du Mont-Saint-Michel ? L'affaire est plus terre à terre en vérité : si l'option nord coûte moins cher que l'option sud, elle se révèle aussi plus longue pour les visiteurs. Ceux-ci pourraient rester jusqu'à deux heures de plus sur place. Autant de temps qu'ils ne passeront pas ailleurs, notamment dans la partie bretonne de la baie ou à Saint-Malo, destination souvent couplée au Mont-Saint-Michel. Cette projection est aussi redoutée par les tour-opérateurs spécialisés dans la clientèle japonaise. Une véritable manne pour l'économie locale que ces 300 000 visiteurs nippons annuels. Les deux tiers font l'aller-retour depuis Paris dans la journée : voyagistes et autocaristes craignent que cela ne soit plus possible demain. Et pestent contre les 55 euros qu'ils devront débourser pour se garer à 2,5 km alors qu'ils stationnent actuellement gratuitement en contrebas des remparts.

Mais les autres professionnels du tourisme sont aussi soucieux :" Le risque est que les clients demandent à visiter le site plus rapidement encore et qu'ils échappent à sa quintessence ",craint Yann Rio, un guide ayant appris à parler japonais. Les touristes bouderont-ils la destination ? A cinq mois du lancement des navettes, l'inquiétude est tangible. On la ressent chez les commerçants évidemment, même si ceux-ci râlent tout autant de ne plus pouvoir se garer au pied du Mont ni de pouvoir s'approvisionner à toute heure.

Mais l'inquiétude filtre également, au sommet du rocher, à travers les murs de l'abbaye. Avec ses 1,3 million entrées chaque année, l'édifice est le deuxième bâtiment le plus visité du Centre des monuments nationaux. Son succès permet de financer une bonne partie des 96 sites inscrits au même registre en vertu d'un système de péréquation. " C'est tout l'équilibre qui se trouverait menacé d'une hypo-thétique baisse de fréquentation ", en tremble Jean-Marc Bouré, l'administrateur du site. L'entrée de l'abbaye coûte aujourd'hui 8,50 euros. L'accès au nouveau parking 8,50 euros également. Ajoutez à cela la perspective de devoir marcher 1,8 km (voire près du double si votre voiture est garée au bout du parking) : la balade au Mont-Saint-Michel risque de faire aussi mal aux pieds qu'au portefeuille.

" Le Mont-Saint-Michel a toujours été une destination populaire, note une habitante. Le danger est de réduire l'accessibilité du site à ceux qui ont les moyens de rester deux jours sur place. Cette évolution fera surtout les -affaires de la Mère Poulard et de son propriétaire, qui joue au Monopoly en rachetant tous les commerces ici. On a l'impression que le projet est modelé en fonction de ses intérêts. " Faux, rétorque Eric Vannier, pour qui les nouveaux tarifs correspondent à la reconfiguration d'un site enfin débarrassé de ses affreux parkings. " Mon ambition est de faire venir une clientèle qui trouve que le Mont-Saint-Michel est un peu ringard ou vieillissant ", appuie-t-il. Et de rappeler qu'on faisait le même procès lors de la rénovation du Louvre. " Regardez son succès aujourd'hui. "

Parlant parfois de lui à la troisième personne, répétant être resté fidèle à " une vision " qu'il a eue voilà trente ans d'un Mont-Saint-Michel revalorisé, l'homme verse dans l'allégorie pour pointer la jalousie dont il estime être l'objet : " Je serais le Eric Vannier de 1983 qui n'avait à l'époque qu'un établissement ou deux, j'aurais tout le monde derrière moi aujourd'hui. L'envie est la mère de tous les péchés. Il faut s'en méfier au Mont-Saint-Michel car l'archange est au-dessus de nous. " L'homme d'affaires est bien moins loquace, en revanche, à propos de ses projets de développement économique. Et tout particulièrement d'un terrain constructible de 12 000 m2 qu'il possède à La Caserne à proximité du quai d'où partiront demain les fameuses navettes.

Mi-décembre, La Manche libre dévoilait qu'un nouvel hôtel-restaurant pourrait bientôt sortir de terre à cet endroit. Non loin, le Relais du Mont-Saint-Michel (autre établissement géré par la Mère Poulard) devrait, lui, s'agrandir. A l'autre bout de La Caserne, au sud, la Sodétour de Jean-Yves Vételé grouille tout autant de projets d'extension. Un espace culturel est également dans les cartons. Au nord, c'est d'un kiosque dont il est question, juste derrière les quais des navettes. Tant qu'on y est, pourquoi pas un temple shintoïste ?

Photos Simone Perolari

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Commentaires
F
A la lecture de cet article plutôt perspicace on comprend maintenant vraiment beaucoup mieux pour quelles vraies raisons monsieur Le Drian a décidé de claquer la porte du syndicat mixte de rétablissement du caractère maritime du Mont St Michel présidé par Laurent Beauvais président de la demi-région de Basse-Normandie:<br /> <br /> La réorganisation du parking et des abords du Mont St Michel pour enfin respecter l'esprit et la beauté de lieux et pour une "montée en gamme" de la qualité de la visite "de base" du site, implique un allongement indispensable du temps de présence des touristes sur place ne serait-ce que pour faire les 900 mètres à pied (soit à travers le parking arboré ou soit sur la future passerelle d'accès).<br /> <br /> Dans ces conditions et Crosman l'a bien relevé, lui aussi, il deviendra difficile pour les industriels du fast-food touristique habitués à déverser des milliers de touristes (notamment japonais ou chinois) au pied des remparts par bus entiers de proposer l'étape montoise sur une demi-journée a fortiori lorsqu'elle est PERFIDEMENT couplée avec une visite de Saint-Malo à l'aide de bus logotypés au GWEN HA DU: <br /> <br /> Monsieur LE DRIAN dont on connait le talent de conférencier au Japon pour vanter les beautés du Mont St Michel, vu de... Bretagne est donc un "Ténardier" fort marri![mdr]<br /> <br /> On ne pourra plus "faire" Le Mont St Michel APRES Saint Malo dans la même journée!<br /> <br /> Eh bien! C'est très bien ainsi, car désormais vous aurez le temps de visiter un monument normand AVANT une ville plus malouine que bretonne et surtout AVANT de découvrir toutes les merveilles de la BAIE entre Bretagne et Normandie...
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C
Entre le 26 et le 28 mai 2012, devinez où je serais ? Au Mont-Saint-Michel pour y effectuer la traversée de sa baie, car j'aime tellement le site que pour moi, cela devient une habitude ! le site me plaît et un jour peut-être achéterais-je une petite maison non loin du Mont. Soit en Normandie ou en Bretagne... Avec une vue sur le Mont...
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C
la meilleure façon d'aller au Mont c'est à pied (pour ceux qui peuvent)et par les grèves. Le reste n'est que commerce dégoulinant: boules à neige et crêpes martiennes! Et en effet les tgv touristes n'iraient plus dans le panneau du cross selling MONT + St Malo; Il faudrait alors être plus malin pour proposer un produit sur deux jours! Qui relèvera le défi?
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