FACE à la crise, économique, politique, morale, institutionnelle... Le RECOURS à la PETITE PATRIE REGIONALE?

Aux prochaines élections municipales l'an prochain, le vote "blanc" sera enfin décompté en tant que tel dans la publication officielle des résultats: sera-ce suffisant pour faire reculer l'absentionnisme et la tentation d'un vote de colère pour le Front National de citoyens tentés par la grève civique? Toutes les enquêtes d'opinion le montrent: les Français sont plus pessimistes sur l'avenir de leur pays que tels citoyens d'un pays du Tiers-Monde qui connait encore la guerre ou la misère... Les élus, avec les agents immobiliers et les journalistes sont les "professionnels" en lesquels les Français ont le moins confiance.

Le slogan de la célèbre affiche de campagne de François Mitterrand en 1981 prend, aujourd'hui, un tour ironique...

Ainsi l'opinion française s'abîme dans une morosité et une dépression collectives alimentées par les chiffres du chômage, le constat de l'inefficacité des politiques publiques pour sortir de la "crise", de la gabégie financière engendrée par le "mille-feuilles" administratif, de la lourdeur de l'appareil politico-administratif qui s'interpose entre les citoyens et leur avenir, de l'impression, de plus en plus désagréable, de vivre dans une caserne centralisée et gouvernée par une caste infantilisante et méprisante, d'assister au spectacle de soi-même et d'un cirque médiatique qui ne concerne que les professionnels de la profession médiatique ...

Toutes les enquêtes d'opinion démontrent que les Français sont de plus en plus heureux de ne s'occuper que d'eux-mêmes, de leurs voisins et amis, de leurs associations et clubs sportifs, de leurs petites entreprises, de leurs ateliers d'artisans, de leurs réseaux "sociaux", de leurs expériences d'économie sociale et solidaire, de leurs AMAP, de leurs jardins biologiques de leurs villages, de leurs quartiers, de leurs territoires, de leurs "petites patries"...

Dans une logique "à la Proudhon" qui s'ignore, la France d'en-bas, celle du terrain et du plancher des vaches, grouille d'actions, d'initiatives, d'idées, d'organisations, d'expériences qui, semble-t-il, n'intéressent pas encore ou assez les costards-cravates de la France d'en haut! Mais, pour certains de nos concitoyens les plus actifs sur le terrain (bien souvent d'heureux retraités qui ont bien profité des Trente Glorieuses passées), il n'est même pas souhaitable que les officiels ou les institutionnels viennent s'intéresser à ce qu'ils font: ils sont "anti-système", contre "la politique", et pour vivre heureux, il est préférable de se cacher ou de l'avoir "petit chez soi que grand chez les autres"...

Une mentalité des limites (pour ne pas dire "bocaine") qui a donc ses limites, dont témoigne le réflexe "NIMBY" (en anglais: "Not In My Back Yard", c'est à dire: "pas au fond de mon jardin") qui caractérise le débat public dès qu'il s'agit de définir les contraintes d'un aménagement d'intérêt général...

Faute d'une vraie culture démocratique partagée dans une France qui reste centralisée et autoritaire (d'un côté des gens en costard-cravates qui savent tout et de l'autre les "péquenots" qui ne savent rien et qui s'opposent à un projet qui n'est finalement pas le leur...)

"Le bonheur est dans le pré", le célèbre film d'Etienne Chatillez

"Sire de seï "

Etre le seigneur de soi-même... dit-on encore dans le Nord du Cotentin!

C'est précisément ce que l'on observe en Normandie et c'est bien là, la force et la faiblesse de notre région qui, une fois de plus, est un vrai cas d'école pour réfléchir à l'avenir de la France toute entière.

Une force en effet que cette véritable "révolution tranquille" (comme on dirait au Québec), non-violente, invisible et silencieuse qui consiste à ne plus collaborer activement et légitimement au système politico-institutionnel officiel pour inventer l'avenir et un bonheur collectif... à côté ou hors de lui: c'est appliquer, sans le savoir peut-être, les préceptes que l'on trouve dans le beau livre d'Etienne de La Boétie, l'ami de Montaigne...

Dans son "discours sur la chute des tyrans, de la servitude volontaire" La Boétie nous dit en substance:

1) Cessez de vous plaindre, agissez !

2) Agissez là où vous pouvez agir vous et vos amis.

3) Ne désirez plus ce que le Tyran désire pour vous: ignorez-le et ainsi le Tyran s'effondrera de lui-même.

Une force donc mais aussi une faiblesse:  si toutes ces initiatives de terrain n'arrivaient pas à converger, ne pouvaient  pas s'organiser à l'échelle pertinente pour instaurer le rapport de force indispensable pour imposer aux institutions les réformes qu'elles refusent... Que se passera-t-il? Rien.

Mais, déjà il se passe quelque chose et la petite patrie régionale semble pouvoir être le bon niveau territorial pour une expérience politique inédite.

Mais qui voudra en être les nouveaux acteurs? Qui seront les nouveaux élus d'un peuple de citoyens devenus exigeants en toute chose?

Qui osera prendre des risques? Prendre des coups? D'être acteur réellement pour la collectivité pour ne plus être le simple consommateur d'un spectacle que l'on prend finalement plaisir à ... vomir?

---

A lire de toute urgence:

Dans le quotidien de nos vies, parle-t-on réellement de « PIB », de « courbes de chômage », de « taux d’endettement » ? Si l’approche économique de la crise est celle des politiques, des chefs d’entreprises, des journalistes, et sature la sphère médiatique, est-elle véritablement celle des Français dans leur plus grand nombre ?

Pendant un an, François Miquet-Marty a sillonné la France pour recueillir, dans leur intimité, la parole de femmes et d’hommes de tous horizons.

Loin des discours convenus, ils développent surtout une vision sociétale de la crise, et moins économique. Par delà leurs différences, animés par des passions collectives, ils explorent des voies pour l’avenir.

Un nouveau regard sur nos existences en commun, matière à réflexions pour demain. Un essai vivifiant et profondément humain, à l’écoute de nos vies.

François MIQUET-MARTY

Sociologue et sondeur, François Miquet-Marty est président de Viavoice, institut d’études et de conseil en opinions. Il a notamment publié L’Idéal et le Réel : enquête sur l’identité de la gauche (Plon, 2006).

"Les Nouvelles Passions Françaises", aux éditions Michalon, Paris, 208 pages
16 €
ISBN : 978 2 84186 706 6