Marine Le Pen, candidate du Front national à la présidentielle, a proposé mardi de réduire le Parlement à 300 députés et 200 sénateurs, s’interrogeant sur la possibilité pour ces derniers de cumuler, alors qu’elle défendait jusque-là la fin du Sénat et le non-cumul des mandats. Elle propose aussi la suppression notamment des régions.
« Beaucoup d’élus pourraient être économisés. La diminution du nombre de parlementaires doit être inscrite dans la Constitution », a défendu l’eurodéputée sur BFMTV-RMC.
« Je demanderai aux Français d’avoir […] 300 députés, 200 sénateurs », a-t-elle prôné, soit au total 500 parlementaires, contre 925 actuellement.
En 2012, elle avait défendu le passage à 750 parlementaires, et s’était régulièrement exprimée depuis pour la fin du Sénat, comme début 2014, ne voyant à l’époque « plus bien à quoi (il) sert ».
Marine Le Pen a aussi dit qu’elle ne « reviendrait pas » sur la loi de février 2014 interdisant à partir de 2017 le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de député, de sénateur ou de député européen.
Avant d’ajouter aussitôt : « Mais je réfléchis pour les sénateurs, car le Sénat c’est le représentant des territoires, et je veux conserver ce lien, pour que le Sénat soit l’expression de la pensée, des préoccupations des territoires. Des sénateurs qui ne seraient pas des élus locaux, ça créerait une déconnexion préjudiciable ».
« Ce n’est pas le cas pour les députés car ils sont les députés de la Nation ». Ces derniers doivent être selon elles élus à la « proportionnelle avec une prime à la liste arrivée en tête, sur une liste nationale » afin qu’ils « retrouvent le sens de l’intérêt national. »
Fin septembre 2014, juste après l’accession des maires frontistes David Rachline (Var) et Stéphane Ravier (Bouches-du-Rhône) au Sénat, les plaçant déjà de fait en situation de cumul, Marine Le Pen avait rejeté toute « incohérence » : « Nous avons clairement dit que nous étions contre le cumul des mandats, mais nous appliquerons le non-cumul quand tous les autres se l’appliqueront aussi ».
Plus généralement, Marine Le Pen a promis mardi en cas d’accession à l’Elysée de « mettre fin au mille-feuille administratif insupportable » qui entraîne d’après elle une « explosion des dépenses, une dilution des responsabilités, un enchevêtrement des compétences ».
« On supprime trois strates (régions, intercommunalités et Union européenne, N.D.L.R.), on organise autour des communes, des départements, de l’Etat », avec une « revalorisation du statut de maire ».
« Parce que le FN a perdu les régionales, il faudrait supprimer les régions. S’ils perdent la présidentielle on devra supprimer le président ? » a raillé Christian Estrosi, président Les Républicains de la Paca, qui avait battu en duel au second tour Marion Maréchal-Le Pen en décembre 2015.
Marine Le Pen s’est prononcée par ailleurs contre la fin de l’immunité présidentielle et pour garder la possibilité pour le Premier ministre d’utiliser l’article 49-3 pour engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur un texte de loi.
Lire enfin et surtout l'entretien accordé par Marine LE PEN à Paris-Normandie lors de son passage dans le Vexin normand le 6 janvier 2017: si elle devait être élue en avril prochain, il va falloir refuser la suppression de la région Normandie qui vient de financer 1,3 millions d'investissements pour le Vexin normand!
Politique. La présidente du Front national fait une étape dans l’Eure ce vendredi après-midi avant de lancer officiellement sa campagne de la présidentielle début février à Lyon. En déplacement à Écouis puis à Pont-de-l’Arche, premières haltes qui précèdent son tour de France électoral, Marine Le Pen y développera sa vision des services publics en milieu rural. Interview.
« Les fusions sont de vraies gabegies ! »
Pourquoi commencez-vous votre campagne électorale dans l’Eure ?
Marine Le Pen. « Je m’intéresse à ce qu’il se passe en Normandie et dans l’Eure, qui est le premier désert médical de France. Je viens ici parce que la disparition des services publics, comme la disparition de cinq gendarmeries dans le Calvados, préoccupe les Français. Je viens expliquer l’importance que nous accordons aux territoires ruraux et dire les solutions qui sont les nôtres en matière d’organisation des services publics et de répartition des compétences. Dans l’Eure, on est passé de 33 intercommunalités à 14 dont plusieurs fusions ont été forcées et je ne veux pas voir ça ! »
Mais de nouvelles organisations sont mises en place pour maintenir les services publics : maisons médicales, différents services publics dans les bureaux de Poste. Que préconisez-vous ?
« Par principe, je ne suis pas opposée au regroupement des services publics mais je suis très attachée à la question de leur financement. Pourquoi certaines collectivités locales devraient financer une partie des Maisons des services quand c’est l’État qui règle 100 % du service public en ville ? Il y a là une inégalité, une injustice. Et je dis aussi de faire attention à la sémantique : il ne s’agit pas de passer du service public au service au public. »
La primaire à droite a été un succès, on entre dans la primaire de gauche. Des dissensions se font jour au sein de votre parti. Est-ce que le FN pourra un jour s’affranchir d’une primaire avant la présidentielle ?
« Il n’y a aucune dissension sérieuse au sein du Front national ! On connaît des désaccords conjoncturels sur des sujets accessoires, comme partout, c’est la vie. Le FN n’est pas une secte. Tous les cadres soutiennent ma candidature, défendent la même ligne. Les primaires sont des machines à fabriquer des fractures et des divisions profondes. Elles sont contraires à l’esprit de la Ve République. »
Vous êtes conseillère régionale et pourtant favorable à la suppression des Régions et des intercommunalités. Pourquoi ?
« Je veux défendre la proximité. Le cœur de la démocratie locale, ce sont les communes et les départements. Je souhaite revaloriser le statut des maires ruraux, c’est-à-dire leur rémunération, parce qu’ils font un travail considérable. J’estime que le millefeuille territorial imposé par les gouvernements est antidémocratique. Je suis opposée aux fusions forcées des communes et des intercommunalités. Ces nouvelles entités éloignent les Français des centres de décisions. Je prône une simplification et une clarification des responsabilités pour une plus grande proximité. On nous avait par ailleurs assuré qu’elles étaient synonymes d’économies. En fait, ce sont de véritables gabegies ! Ma réforme permettra de faire baisser immédiatement les impôts locaux ».
Commentaire de Florestan: Marine Le Pen ne répond pas clairement sur les régions. Veut-elle oui ou non les supprimer?
« Abus de confiance », « recel d’abus de confiance », « escroquerie en bande organisée », « faux et usage de faux » et « travail dissimulé » : le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire sur le financement des attachés parlementaires du FN au Parlement européen. Un caillou de plus dans votre chaussure ?
« Cette nouvelle ouverture d’information judiciaire démontre que les vieilles habitudes politiciennes ont la peau dure. Comme par hasard, ça arrive en début de campagne présidentielle ! »
En France, la justice ne serait donc pas indépendante ? Le ministère public représente l’État, pas le gouvernement.
« Le parquet est aux ordres de la politique et du gouvernement, il n’est pas indépendant, chacun le sait. »
Qui sera votre principal adversaire dans cette campagne ? François Fillon ? Emmanuel Macron ? Jean-Luc Mélenchon ?
« Mon principal adversaire, c’est le mondialisme et la soumission à l’Europe. Emmanuel Macron et François Fillon sont les VRP de l’austérité imposée par l’Europe et du laxisme à nos frontières. Jean-Luc Mélenchon est quant à lui empêtré dans ses contradictions, je ne vois pas trop où il va... »
« Nous sommes les seuls à défendre un État stratège »
Vous avez quand même un point commun avec François Fillon : Vladimir Poutine.
« Nous partageons, en partie, avec François Fillon, une vision géopolitique internationale, c’est notre seul point commun. Je n’aurais jamais permis le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Pour le reste, en ce qui me concerne, je ne fais allégeance à aucune puissance étrangère, je pense uniquement aux intérêts de la France. »
Comment expliquez-vous être en tête des intentions de vote chez les fonctionnaires, selon une enquête Cevipof ?
« Beaucoup ont pris conscience que nous sommes les seuls à défendre un État stratège dont ils sont les serviteurs. Eux aussi veulent remettre la France en ordre ! Ils sont en quelque sorte les témoins du désordre provoqué par les quinquennats Sarkozy-Fillon et Hollande-Valls. »
Si vous êtes élue présidente de la République, quelle sera votre première mesure ?
« Entrer en négociation avec l’Union européenne pour que la France rétablisse sa souveraineté monétaire, territoriale, législative et économique. »
Propos recueillis par Guillaume Lejeune.
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