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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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20 avril 2021

Docu-fiction sur FR3 consacré à la jeunesse de Guillaume Le Conquérant: lire le script sur l'Etoile de Normandie

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Guillaume, la jeunesse du conquérant

Script du docu-fiction diffusé sur l'antenne de France 3 Normandie à une heure TROP TARDIVE le 12 avril 2021

https://www.france.tv/films/longs-metrages/2397339-la-france-en-vrai-guillaume-la-jeunesse-du-conquerant.html

avec : Tiésay Deshayes, Jean-Damien Détouillon, Dan Bronchinson, Geoffroy Lidvan, Eric Rulliat, Thomas Debaene, Pierrick Billard, Gauthier Battoue

En 1036, Robert le magnifique, père de Guillaume, est sur le point de se rendre en pèlerinage en Palestine. Il présente Guillaume, son fils né d'une relation adultérine, au parlement de Normandie comme son héritier. Malgré l'opposition de Renouf, un baron normand, et la bâtardise qui entache la réputation du petit Guillaume, le parlement normand accepte. Robert annonce que durant son absence, Gilbert de Brionne prendra la tête de la Normandie. Quand Robert meurt en Palestine, Osbern, Sénéchal du duché, vient chercher le petit Guillaume, car des barons félons, ayant pourtant juré fidélité, veulent tuer le petit duc et s'emparer de la Normandie...

 Je m’appelle Wilhem, fitz Osbern, parmi tant d’autres j’ai vécu au côté de Guillaume, Duc de Normandie ces jours d’attente et de doute avant de lancer l’assaut sur l’Angleterre vers ce que beaucoup appellent la Conquête mais si, de lui, vous ne savez que la victoire à Hastings et le trône d’Angleterre, alors vous ne savez rien.

Moi je suis le plus vieil ami de Guillaume, j’ai grandi à ses côtés. Avec lui, j’ai connu l’enfance en fuite, les châteaux incendiés, le premier complot, la première bataille, la première alliance, la première trahison. C’est cette histoire là, méconnue de tous, que je veux vous raconter, une histoire tourmentée où il a forgé son destin : l’Histoire de la jeunesse du Conquérant !

Pierre Bouet, historien et professeur émérite de latin médiéval à l'université de Caen : dans l’imaginaire collectif Guillaume Le Conquérant est le héros de la Tapisserie de Bayeux, c’est l’homme qui, au XIème siècle, a conquis l’Angleterre et s'y est fait sacré Roi. C’est l'un des grands destins de notre histoire mais la question qui se pose : comment devient-on un héros ? Comment l’héritier est-il devenu un fondateur ? Comment le Bâtard est-il devenu le Conquérant ?

Tout commence ici à Fécamp en 1034, alors que Guillaume a, à peine 8 ans, et qu’il franchit la forteresse avec son père, Robert Le Magnifique, 6ème Duc de Normandie. C’est l’histoire de sa première conquête, celle de son identité, de son nom et de son rang aux prix du sang, de la trahison et de la mort. C’est l’histoire de Guillaume Le Bâtard.

François Neveux, professeur émérite d’histoire du Moyen-Âge à l'université de Caen : le destin de Guillaume se joue au cours de cette assemblée de Fécamp, son père, Robert Le Magnifique, vient d’annoncer qu’il part en pèlerinage en Terre Sainte et il veut faire reconnaître son fils comme héritier.

Pierre Bouet : il va alors convoquer tous les personnages les plus influents de la Normandie. Devaient vraisemblablement se trouver là les plus hauts dignitaires de l’Eglise, les abbés des grands monastères ainsi que les grands barons et les petits seigneurs locaux. Ce jour là, le petit Guillaume pénètre au cœur de l’administration du Duché de Normandie.

Comment pouvait-il imaginer, à cet instant , tous les périls qui l’attendaient?

Claire Ruelle, historienne et romancière : il faut préciser que le titre de Duc passe de père en fils mais ce n’est pas une simple formalité , « Robert : qui dirigera la Normandie en votre absence ? Je ne vous laisserai pas sans Seigneur, mon fils est encore trop jeune lais il grandira si Dieu le veut, ses jeunes vertus prouvent ses capacités à gouverner un jour ». Aucun d’entre eux n’aurait osé s’insurger ce jour là ! Pourtant, aux yeux de certains, Guillaume n’était pas légitime." Durant mon absence, je laisse mon autorité à Gilbert de Brionne". Pour eux, Guillaume n’était s’un enfant bâtard !

Bâtard (Pierre Bouet), le mot mérite qu’on s’y attarde mais on se trompe sur la signification de ce mot. On pense que bâtard signifie que Guillaume est né d’une union illégitime. Ce n’est pas sa bâtardise qu’on lui reproche mais en réalité sa mésalliance, Arlette, sa mère est en effet la fille d’un simple tanneur, d’un embaumeur et les grands du Duché n’admettent pas cette mésalliance !

Ce voyage en Terre Sainte est-il pour le salut de la Normandie ou pour celui de votre âme ? Auriez-vous quelque chose à vous reprocher ?

Tant de choses ont été reprochées au père de Guillaume, comme d’avoir assassiné son propre frère pour accéder au trône. "Robert, ton fils te succédera, nous le jurons, nous le jurons. Tous les seigneurs ont juré ce jour là : Gilbert de Brionne, le vicomte Renouf de Briquessart, Osbern de Crépon , mon père, et d’autres barons encore."

Pierre Bouet : certains d’entre eux sont les « Richardides » c’est-à-dire des descendants plus ou moins éloignés des Ducs, Richard Ier, et du Duc Richard II, qui sont véritablement des fondateurs du Duché. Tous ces grands « richardides » prétendent diriger la Normandie et servir de tuteurs au jeune Guillaume.

"Désert d’Anatolie 1065: ils n’auraient jamais osé contester un Duc tout puissant qui allait forcément revenir un jour de son pèlerinage ! Pourquoi a-t-il fait ce voyage en Terre Sainte , certains prétendent encore qu’il espérait se faire pardonner d’avoir assassiné son frère !

Je préfère penser qu’il a voulu, comme d’autres avant lui, marquer son attachement sincère à la chrétienté. Pardonne-moi Guillaume (derniers mots de Robert envers Guillaume) ! Alors, Dieu l’a peut-être accueilli dans son royaume ? Mais c’est l’enfer qui s’est ouvert devant nous !"

Pierre Bouet : pour Guillaume le premier traumatisme c’est la mort du père, ce qui va avoir évidemment de lourdes conséquences. Dès l’annonce de cette mort certains barons sont revenus immédiatement sur leur parole, étaient-ils hommes à obéir à un enfant de huit ans ?

Claire Ruelle : après le décès de Robert Le Magnifique les barons vont devoir agir extrêmement vite.

"Mon père, Osbern, sénéchal du Duc, fut chargé d’aller chercher Guillaume, il fallait l’emmener dans un lieu sûr."

Le Duc est mort sur le chemin du retour, où est Guillaume ?

"Nous devions soustraire Guillaume aux barons ennemis, traverser les forêts profondes et gagner le château de Falaise, le château des Ducs de Normandie où il serait en sécurité. Notre amitié a commencé là dès ces premiers jours .

Il faut rejoindre Falaise ! Wilhem, où étais-tu ? Un de mes pièges a pris un lapin. Quand ton père est hors du camp, tu es sous ma responsabilité. Osbern a été clair : personne ne sort ! Il y avait là parmi quelques fidèles et proches le petit Guy de Bourgogne, le cousin de Guillaume. Attaques. Wilhem, Guy, venez avec moi !"

"Ils devinrent tous les trois, immédiatement inséparables.

Je t’avais interdit de sortir du camp ! Si tu veux devenir chef, il va falloir apprendre à te servir de ta tête !

Allez, marche !

Mon père, Osbern était un homme sévère mais loyal et juste, il devait assurer la sécurité de Guillaume, veiller à ce qu’un jour il puisse gouverner un Duché fondé plus de 100 ans avant lui.

Les voilà, ils vont bien, ils vont bien. Asseyez-vous ! Il est trop tard pour prendre la route, nous partirons demain. A l’aube. Osbern ! C’est un ami, tout va bien. Il partageait cette lourde responsabilité avec un autre tuteur, Gilbert de Brionne, ces deux hommes furent deux grands serviteurs de la Normandie.

Relèves toi, Osbern, tu es mon égal et le temps nous est compté, le petit est en sécurité ? Bien entendu. Je vais essayer de raisonner l’Echiquier, je dois rejoindre Falaise et mettre Guillaume en lieu sûr. Courage Osbern ! Allez en avant !"

Roger Jouet, historien: Le Duc au début du XI ème siècle est entouré d’une Cour, la Curia, qui deviendra l’Echiquier.

Grâce à elle (Pierre Bouet), la Normandie dispose d’une administration et d’une organisation qui n’existe nulle part ailleurs. Néanmoins c’est (Roger Jouet) c’est une Cour qui rassemble les grands aristocrates , quelques évêques et que le Duc réunit, à sa volonté, généralement deux fois par an. On y évoque les problèmes judiciaires, les problèmes politiques et aussi les problèmes financiers car l'une des originalités du Duc de Normandie c’est d’avoir conservé pas mal de ressources propres et les vicomtes viennent apporter une part de leurs recettes à la curia.

Pierre Bouet : c’est une sorte de proto-Etat qui vient renforcer le pouvoir ducal.

"Elle nous paraissait loin cette Cour ducale dans ses premières nuits passées en forêt, Guillaume avait perdu son père, on l’avait séparé de sa mère, les barons lui contestaient son autorité, sa famille maintenant c’était nous, le clan Osbern !"

Roger Jouet : est-ce que les Osbern ont constitué une seconde famille pour Guillaume ? Sans doute, en mal d’affection comme tous les enfants il s’est tourné beaucoup vers les Osbern.

 Mais que pouvait-il bien éprouver face à l’immense pouvoir dont il était l’héritier?

Le Duché de Normandie est une principauté (Claire Ruelle) importante, la plus importante du royaume français.

Roger Jouet : l’un des grands atouts des Ducs de Normandie c’est d’être très riches en terres, et surtout ils ne les ont pas dilapidées ces terres, ils les ont données à bon escient, à l’Eglise, c’est un moyen de s’allier l’Eglise, on dote généreusement les abbayes mais les abbayes ça ne crée pas de lignées héréditaires c’est donc moins menaçant que de donner la terre, comme le faisaient les Carolingiens à des gens qui vont se succéder de pères en fils et devenir une menace.

Enfin, je voudrais signaler que les Ducs ont eu cette idée géniale de ne jamais constituer de grands fiefs , quand vous êtes un grand feudataire du Duc vous avez des terres dans le Pays de Caux mais en même temps dans le Cotentin ou dans la région de Falaise, jamais vous n’avez un gros bloc et là ça évite de créer de petites féodalités locales qui pourraient devenir menaçantes !

Pierre Bouet : certains barons se sentent donc muselés par l’autorité du Duc, la mort du père de Guillaume est le prétexte idéal pour relancer les ambitions inassouvies !

"Ce que certains barons voulaient c’était de créer autour de Guillaume un certain climat de peur, nous tenir dans les brumes de la menace. Le vicomte Renouf de Briquessart était dans cet art un des plus redoutables .

Lâche-le! On l’a trouvé perché sur un arbre, il prétend être un simple chasseur !

Comment se sert-on de ce genre de flèche ? Oui, comme ça.

Efficace, en effet."

Ce Renouf de Briquessart (Pierre Bouet dixit) est une des incarnations des Barons félons. Ce jeune vicomte règne sur les terres du Bessin, donc très loin de Rouen.

Claire Ruelle : la plupart des chevaliers à l’époque de Guillaume qui sont en opposition avec lui, ce sont pratiquement tous des Bas-normands et ça va donner l’impression que la Normandie est coupée en deux.

Pierre Bouet : et en ce début d’anarchie ce sont surtout les grandes familles aristocratiques qui mènent la danse. Ces chevaliers ne veulent pas tuer Guillaume (Claire Ruelle dixit) ils veulent seulement écarter les tuteurs et forcer Guillaume à diriger le pays selon leur loi.

"Je suis Renouf, seigneur de Briquessart. Je cherche Guillaume, en tant que baron je viens apporter ma protection au Duc, confiez-le moi ! Et il ne lui sera fait aucun mal.

Le Duc n’est pas avec nous, c’est le fils d’Osbern, nous le ramenons à son père. Soldats, vérifiez les alentours ! Je veux être sûr que nos amis ne rencontrent aucun brigand de ce genre !

Les hommes aiment se raconter des histoires, elles flattent leur mémoire défaillante, je ne sais pas exactement la voie qu’ils ont suivie pendant quelques heures , où ils sont restés tous les deux mais j’aime à imaginer que ce fut pour mon père Osbern comme pour Guillaume, une sorte de retour aux sources !"

Le retour aux sources (François Neveux dixit) c’est essentiel pour les historiens, nous avons la chance de disposer de beaucoup de sources pour l’histoire de Guillaume, d’abord des chroniques latines rédigées de son vivant, peu de temps après sa mort, d’autre part des chartes et des diplômes, enfin des sources archéologiques puisque de nombreuses fouilles ont été faites sur des sites fréquentés par Guillaume, comme le Château de Caen par exemple. Bien sûr, ces sources ne nous donnent pas toutes les informations qu’on pourrait souhaiter. De Guillaume, on ne sait pas sa date exacte de naissance, et en revanche nous avons énormément d’informations sur lui, sur les hommes de son entourage, et on peut dire que c’est un des personnages les plus connus du XIème siècle par rapport à ces contemporains.

Pierre Bouet : la plus célèbre d’entre elles c’est le «De moribus et actis primorum Normanniae ducum» (Des mœurs et des actions des premiers Ducs de Normandie): c’est un ouvrage capital qui fut rédigé au début du XIè siècle et qui retrace l’histoire de la fondation du Duché de Normandie.

François Neveux : le livre de Dudon de Saint-Quentin nous informe sur les origines vikings de la Normandie, Il nous raconte l’histoire d’un personnage qui s’appelle Rollon, c’est son nom latinisé alors que son nom scandinave c’est Rolf , Rollo en latin et Rollon en français, et donc ce personnage a été exilé de Norvège, il a contourné la Grande-Bretagne et il a fini par arriver en France et c’est là qu’il fondera une principauté qu’on appelle Normandie et je rappelle que "Normandie" signifie: "le pays des hommes du Nord". Cette fondation date de 911 mais pour devenir un chef dans le Royaume de France il faut être chrétien et par conséquent Rollon devra accepter le baptême qui aura lieu exactement en l’année 912.

Pierre Bouet : six Ducs issus du lignage de Rollon vont se succéder jusqu’à Guillaume.

François Neveux : entre Rollon et Guillaume, les éléments scandinaves sont devenus définitivement chrétiens. Certes, il reste des traditions scandinaves, notamment en matière de droit, ce qui va devenir le droit normand, ce droit normand va subsister jusqu’à la Révolution française, nous avons conservé des toponymes d’origine scandinave, des noms de personnes d’origine scandinave et quelques traditions qui ont pu subsister jusqu’à nos jours.

Roger Jouet : Il est bien évident que l’image d’une Normandie peuplée toute de vikings est un cliché qui ne tient pas. Les vikings sont venus peu nombreux dans une terre sans doute pas très peuplée mais qui a vu déjà de nombreuses couches de populations, les vikings ajoutent une strate, ajoutent sans doute un esprit mais ne remplacent pas la population autochtone !

"Je me plais à penser que, pour un court moment, Guillaume et mon père , Osbern, ont renoué avec l’esprit de cet ancien monde , qu’ils l’ont une dernière fois traversé !

Je savais que tu allais prendre ce chemin . Que faites-vous ici, vous n’êtes pas à Falaise ? Il est trop tard , le château de Falaise n’est plus de notre côté, on refuse de t’y reconnaître comme Duc, maintenant le mouvement est notre seul allié, nous devons rester insaisissables, le temps que je trouve un endroit sûr, mais il faut faire vite avant que cela ne change !

Alors qu’attendons-nous ? Partons !"

Les barons félons continuaient leur chasse, ils ne voulaient pas tuer Guillaume, ils voulaient l’affaiblir, frapper son entourage, alors ils ont d’abord éliminé son tuteur Gilbert de Brionne, puis un jour, dans une embuscade, ils ont tué mon père !

Guillaume avait très tôt perdu le sien, avec Osbern, il perdait un père d’adoption, ce fut cela notre éducation : apprendre à se relever de la mort et du deuil !

De temps en temps, Guillaume retrouvait sa mère et puis nous repartions, le château de Falaise où était né Guillaume était passé aux mains ennemis, les barons félons guerroyaient entre eux pour renforcer leur pouvoir, six années sont passées ainsi sans pouvoir s’attarder ni se fixer nulle part ! Aidés par des barons qui nous étaient restés fidèles, nous avons forgé nos caractères, le mien n’était fait que de vengeance, Guillaume, lui, restait maître de ses émotions.

Dans cette enfance en fuite, il a appris ce qui ferait pour toujours son tempérament : la patience, la maîtrise de soi. Ce fut un homme connu pour ses colères et sa violence mais il n’entravait jamais son sens de la réflexion. Alors, Guillaume était Duc, oui, mais il n’en avait que le titre ! Il lui fallait conquérir son pouvoir. L’héritage ne vaut rien si l’on ne peut s’en montrer digne !

Tu es doué pour la chasse, Guillaume ! Peut-être est-ce là ta condition, un grand chasseur prisonnier de son rang mais je peux comprendre, je ne suis pas sûr moi-même d’être à ma place !

L’art de la guerre n’est pas si différent que l’art de la chasse ! C’est pourquoi Osbern me l’a appris ! Nous l’a appris. Oui peut-être , en attendant ce n’est pas moi le gibier. Que veux-tu dire ?

Que ton titre est convoité, ce n’est pas ma tête que Renouf veut !

Renouf ! non, ça fait des mois qu’il n’a pas fait surface, il est isolé .

Cette vie en forêt nous donnait l’occasion, parfois, de nous initier à un autre genre de chasse !

Il y a ceux qui regardent et ceux qui agissent. Vous allez voir, elles vont m’adorer ! De nous trois, Guy, le cousin de Guillaume était le plus assidu mais pas toujours le plus agile ! Aussi pressé de laver tes chausses ? Venez Monseigneur, celle-ci n’est pas encore sèche mais au moins elle est propre. Occupe-toi donc des tiennes, fillette !"

Pierre Bouet : Guy et Guillaume ont été élevés ensemble, ils sont cousins et ils ont donc reçu la même éducation qui est peu disposée aux nourritures intellectuelles et aux arts de cour !

Roger Bouet : les aristocrates du XI ème siècle sont avant tout des gens du dehors qui vivent au grand air, leur principal loisir c’est la chasse, Guillaume en est un fanatique, il couvrira l’Angleterre de forêts immenses pour le seul plaisir de la chasse.

La vie des aristocrates comme des hommes politiques (dixit Pierre Bouet) exige des réelles qualités physiques !

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait reçu qu’une éducation que guerrière (dixit Roger Jouet) et de chasseur. Il a aussi un précepteur, il a donc reçu un bagage, sans doute pas très, très approfondi, mais ce n’est pas un inculte. Il est parfaitement capable d’entendre une charte en latin, semble-t-il, et de la comprendre.

"Cette vie sans point fixe nous donnait parfois l’illusion d’être libres mais il ne fallait pas longtemps relâcher la garde, Guillaume approchait de sa majorité. Si Renouf de Briquessart et les barons félons voulaient exercer sur lui leur tutelle, il devait continuer d’agir, l’heure était venue de livrer notre premier combat :

Aux armes! Je ne suis pas là pour te tuer mais pour te faire renoncer à ton imposture. Aujourd’hui, ta minorité ta protège ! Renonce ! Car dans quelques temps nous te considérerons comme un homme et tu verras que ton indulgence à ton égard aura disparu !

Je ne renoncerai jamais !

Alors vis dans la crainte, faux Duc !

Je ne renoncerai jamais !"

Roger Jouet : cette première moitié du XI ème siècle est une période de grande violence, les gens règlent leurs querelles, les aristocrates règlent leurs querelles les armes à la main, on l’a vu, on assassine beaucoup, la mort violente est à tous les coins de bois, Guillaume ne fait pas exception il sera un homme violent. Pour punir les gens d’Alençon qui auraient injurié son beau-père, il fera couper un certain nombre de mains et de pieds pour l’exemple mais ce n’est pas une exception. C’est l’atmosphère du XI ème siècle.

Pierre Bouet : on édifie de petites forteresses, on intrigue, on pille, on tue, pourtant en Normandie la violation du domicile est l’un des grands crimes qui soit c’est d’ailleurs l’un des vestiges du droit norrois qui est resté en Normandie, la "ambefar".

Roger Jouet : en Normandie les Ducs avaient conservé le droit exclusif de construire des châteaux et ils considéraient qu’assurer la paix publique était leur première mission mais la minorité de Guillaume c’est évidemment une exception, tout d’un coup il n’y a plus véritablement de pouvoir ducal et c’est là qu’on va voir fleurir des châteaux dits adultérins parce qu’ils n’ont pas été autorisés par l’autorité publique, souvent de simples mottes féodales, une motte et puis des palissades en bois, et puis des guerres privées en veux-tu, en voilà, des assassinats. Incontestablement la minorité de Guillaume a été une période de recrudescence de cette ambiance de violence qui n’existait pas aussi fort en Normandie, qu’ailleurs !

Il fallait mettre un terme à ces troubles, faire en sorte que la peur change de camp :

A partir de maintenant nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes !

Claire Ruelle : le tempérament de Guillaume va s’affirmer ici définitivement face à la menace, il choisit l’offensive.

François Neveux : le paradoxe de cette époque c’est que malgré les troubles l’autorité ducale n’a pas été vraiment entamée. Un certain nombre de grands et de seigneurs restent fidèles au Duc et vous avez également une continuité administrative puisque sur le plan local l’autorité ducale est représentée par les vicomtes.

Pierre Bouet : c’est sur cette force institutionnelle, voulue et pensée par ses pairs que Guillaume va consolider sa contre-attaque ! Guillaume reconstitue patiemment son armée et commence à reprendre des places fortes. Nous sommes à un tournant de la société normande du XI ème siècle, le glaive de Guillaume n’est pas seulement celui des chevaliers ou de la force ducale il est celui de la foi. Guillaume s’est placé du côté de l’Eglise et incarne désormais la justice divine.

Claire Ruelle : et Il lui reste encore quelque chose à prendre, c’est la ville de Falaise !

Pierre Bouet : pendant les troubles liées à sa minorité, le château a changé de main. Il a été confié à un baron allié de Guillaume mais celui-ci une fois installé s’est rebellé et a refusé de rendre le château .

Reprendre Falaise c’était reprendre le Château où Guillaume était né, le château de tous les Ducs de Normandie avant lui, c’était reprendre un symbole !

"Baron! Les réserves s’épuisent, nous ne tiendrons pas plus longtemps, il faut tenir à tout prix, je ne laisserai pas ce bâtard reprendre Falaise si non Renouf nous le fera payer !

Les rebelles refusent de se rendre! Patience Wilhem, mon père a renforcé ces murailles mais ses ressources en vivres sont limitées, ce baron Turstin finira par se rendre avant que ses soldats affamés ne se mutinent ! Tu vas bientôt pouvoir retourner sur les terres de ton père.

Elles sont tiennes désormais. D’abord j’ai encore une affaire à régler."

Claire Ruelle : Guillaume reprend la ville de Falaise et petit à petit reprendra la Normandie.

Pierre Bouet : cela évidemment ne plait pas évidemment à certains barons qui décident de le supprimer.

"Guillaume a donné le territoire de Brionne à son cousin, Guy, et moi je pouvais retrouver mes terres mais ça n’était pas suffisant, il me fallait plus, il me fallait la justice

Je devais venger mon père, faire payer les hommes qui avaient fait couler son sang. Mais sans le savoir j’arrivais ce jour là à Bayeux sur les terres de Renouf de Briquessart, à un moment crucial pour le Duché !

A l’abbaye !"

Pierre Bouet : c’est au tournant des années 1045-1047 que la révolte des barons prend une tournure fatale, cela témoigne encore de la faiblesse de l’autorité du jeune Guillaume. C’est à Bayeux, le fief de Renouf de Briquessart que la conjuration va sceller le destin du jeune Duc.

"N’avons-nous pas accepté nous-mêmes que Guillaume succède à son père ?

Cette décision a été prise sous la pression de Robert lui-même.

Que voulez-vous de moi ? Le meurtre d’un enfant, Prince chrétien, est le pire des crimes !

L’Eglise ne nous le pardonnera jamais !

Ce n’est plus un enfant et son statut de bâtard fait de lui un imposteur et non un Prince !

Qui donc comptez-vous mettre à sa place ?

Renouf a trouvé un digne héritier de Richard .

Les conjurés ont su saisir une opportunité, un des barons amis a invité Guillaume ici au château de Valognes pour une partie de chasse mais Guillaume ne s’est pas méfié.

Ce sera pas pour cette fois, lève-toi ils arrivent !

Toi, ferme la herse ! Trouvez-le !

On est pris au piège, c’est la seule issue ! Trouvons-en une autre. Si tu veux vivre, mets-toi à l’abri !

Il est fait comme un rat !

Il descend le mur d’enceinte !

Et parmi tous ces conjurés il en est un que je n’aurais jamais voulu avoir à affronter !

Occupe-toi de lui !

Comment ose-tu trahir Guillaume ?

Trahir, avons-nous jamais été ses alliés ? Nous avons toujours été, toi et moi ses laquais !

N’as-tu pas envie que ça change, Wilhem, Fitz Osbern ?

Pierre Bouet : si l’on en croit Guillaume de Poitiers, c’est effectivement le jeune Guy de Brionne qui fut l’instigateur du complot contre Guillaume, il voulait l’éliminer et s’emparer du pouvoir ducal. Après tout, il était le cousin germain de Guillaume, descendant des « Richardides » et pouvait faire valoir ses droits dynastiques.

Claire Ruelle : cette conjuration de Valognes a tout simplement échoué.

"Je n’étais pas à ses côtés quand Guillaume, seul et blessé, a fui les conjurés de Valognes. Ce que je sais c’est que cette nuit là a beaucoup fait pour sa légende !"

Pierre Bouet : c’est le poère Robert Wace qui raconte cette fuite éperdue de Guillaume de Valognes à Falaise, il parcourt ainsi 80 km et passe ainsi un gué redoutable, le gué de Saint- Clément qui permet de traverser la Vire.

"Guillaume trouva refuge chez un baron allié, nous savions désormais que nos ennemis avaient engagé une lutte à mort, alors Guillaume, comme toujours, a choisi l’action, son premier coup de dé en tant que Duc de Normandie !"

Pierre Bouet : le coup de dé c’est véritablement d’aller solliciter l’aide du Roi de France, Henri 1er (à Poissy, dans le domaine royal 1047), Guillaume a 18 ans et c’est véritablement sa première décision d’ordre politique.

"Guillaume, que me vaut l’honneur de ta visite, mon cher vassal ? Mon Roi, je suis venu vous demander votre aide car une armée de traitres veut s’emparer de la Normandie."

Pierre Bouet : Il le fait à la fois comme un pari réaliste et direct.

"Je ne les laisserai pas faire, ton père m’a aidé en son temps, mon armée est puissante et n’aura aucun mal à défaire les rebelles."

Roger Jouet : on dit souvent que la Normandie au XI ème siècle est une principauté indépendante, non elle n’est pas indépendante, elle fait partie intégrante du Royaume de France mais il est vrai qu’elle est, qu’elle se comporte presque comme une principauté indépendante, néanmoins le lien féodal existe et les Ducs ne l’ont jamais renié. Par exemple, lorsque Guillaume, dans sa minorité, rencontre beaucoup de problèmes, eh bien! à qui fait-il appel ? A son Seigneur, Henri Ier, le Roi de France.

François Neveux : pourquoi le Roi de France a-t-il aidé Guillaume ? D’abord en respectant le Droit féodal puisque le seigneur doit aider son vassal en difficulté et c’est ce que fait Henri Ier vis-à-vis de Guillaume mais il y a peut-être une autre raison : à cette époque là, le Roi de France est faible et il doit diviser pour régner, il s’appuie donc sur la Normandie pour contrer l’Anjou qui devient trop puissante à cette époque.

Pierre Bouet : Guillaume a obtenu gain de cause et la bataille décisive du Val-ès-Dune peut commencer.

"C’est ici dans cette plaine paisible du Val-ès-Dune que le destin venait à nouveau nous cueillir, la mort de nos pères, l’assassinat de nos proches, les trahisons, la fuite, la reconquête, tout cela se jouait à nouveau sur une seule bataille.

Le Duché de Normandie était sous la tutelle du Roi des Francs, Henri Ier mais si j’ai souvent maudit mes ennemis j’aurai dû maudire davantage encore notre allié, Henri nous avait parlé d’un armée puissante, la vérité c’est qu’il avait fallu tout un hiver pour la réunir. Quant à Guillaume il a rassemblé toutes ses troupes, surtout des petites gens du peuple normand venus de toute la province qui lui était fidèle, mais c’est au Val-ès-Dune que tous, nous lui avons offert nos vies !"

François Neveux : le Val-ès-Dune est un site qui se trouve à une dizaine de kilomètres au Sud de Caen, cette bataille rangée c’est la seule du règne de Guillaume Le Conquérant avec celle d’Hastings.

guillaume-val-es-dunes-bataille

"Les hommes sont prévenus ? Oui, tout est prêt !

Le Roi, Henri ! Mon Roi, les rebelles ont installé leur camp plus au Sud, si nous les attirons plus au Sud le terrain nous sera plus favorable !

Je me demande ce qui motive ces maudits Français !

Leur cavalerie sera rendue inoffensive ! Ton armée est-elle prête ?

Plus que jamais !

Bien !

Nous aurions pu nous passer des Francs, nous leur serons redevables ! Le Roi des Francs ne nous apprécie guère mais cette bataille sera décisive ! Il faut fédérer par-delà nos inimitiés surtout si un jour on veut voir plus grand ! C’est toi qui a demandé à nos soldats de s’agenouiller ?

Il faut toujours être sûr de pouvoir impressionner nos ennemis mais aussi ses alliés !

Le petit Duc est devenu un Roi en puissance ! Un Roi ?

Le Duc sait faire agenouiller sa troupe ! Mais est-ce qu’il sait faire plier ses ennemis ?

Les troupes de Guillaume et celles d’Henri Ier venaient de l’Est, les barons conjurés eux de l’Ouest. Ils avaient donc dû traverser l’Orne.

Le Bâtard se croit au-dessus de la mêlée ! Je vais lui faire regretter son arrogance !

Ne te laisse pas gagner par tes ressentiments !

Tu le tues, je te nomme Duc à sa place et nous aurons amplement gagné notre journée !

Je sais que l’un d’eux, Raoul de Tesson avançait avec une armée très importante. Cent chevaliers et au moins cinq cents hommes !

Laissons ce jeune Duc montrer de quoi il est capable !"

 Pierre Bouet : chaque camp à sa manière est son cri de ralliement, alors que les Francs crient « Montjoie », les Normands appellent Dieu à leur aide en criant « Dex Aïe», ainsi le combat a bien lieu sous le regard de Dieu et c’est lui qui décidera qui est le vainqueur !

"En avant !

Dex Aïe !

Eh ! bien, allez-y!  Lancez la charge !

Le combat n’a duré que quelques heures, on ne saurait dire combien d’hommes sont morts ce jour- là mais on a prétendu plus tard que l’Orne en fut rouge de sang !"

François Neveux : la bataille du Val-ès-Dune est connue d’après des textes tardifs et en particulier celui de Wace écrit au XII ème siècle, plus d’un siècle après l’événement. Cependant il y a des éléments authentiques puisque Wace s’appuie sur une tradition orale qui est encore très vivace de son temps mais il y a aussi beaucoup d’éléments légendaires et en particulier Wace parle de l’Orne devenue un fleuve de sang après la bataille, ce qui est évidemment hautement improbable !

"Il fallait bien que les choses finissent ainsi dans ce face à face entre Renouf et Guillaume : je suis vivant ! A toi de vivre dans la crainte, baron !"

François Neveux : malgré son jeune âge, Guillaume a fait preuve, après la Bataille, d’un grand sens politique, il a ménagé des personnages importants par exemple Renouf de Bayeux ou Néel du Cotentin ont été exilés simplement.

Pierre Bouet : Guillaume rétablit l’ordre dans toute la Normandie, il instaure la Trêve de Dieu pour imposer à tous l’ordre et la Paix. Avec la Bataille de Val-ès-Dune, Guillaume devient le maître incontesté d’un pays où certains personnages importants avaient osé contester sa légitimité et son autorité.

C’est ce jour là que j’ai su qu’il ferait honneur à l’héritage et au destin que certains contestèrent en vain ! Je sus aussi que l’on pouvait régner sans partage mais jamais sans pardon !

Aujourd’hui, chaque que fois qu’un homme me parle de Guillaume Le Conquérant , vainqueur à Hastings et grand Roi d’Angleterre, je réponds :

Si de lui vous ne savez que cela, alors vous ne savez rien ! Il fut avant tout Guillaume, l’enfant jugé illégitime affrontant la mort de ses pairs, luttant pour imposer son nom et son rang, il fut plus que lui-même, il fut la Normandie et son époque toute entière ! Il fut celui qui a su faire de sa jeunesse, une conquête !

Au matin du 24 août 1066 débuta l’ultime conquête de l’Angleterre, 1 000 ans après les campagnes de l’Empire romain.

 Avant la fin de la même année, Guillaume était couronné Roi d’Angleterre.

Bayeux_Tapestry_William


 

Guillaume, la jeunesse du conquérant

https://www.filmstouspublics.fr/aventure/guillaume-la-jeunesse-du-conquerant/

1066, Guillaume Le Conquérant et ses troupes s’apprêtent à mettre les voiles vers l’Angleterre. Au cas où ils ne reviendraient pas, Guillaume présente à ses fidèles barons Robert, son fils, afin qu’il puisse accéder au trône.

Flash-back de 30 ans. Wilhem, son loyal ami, commence à narrer à Robert la jeunesse de son père. Robert le magnifique, son grand-père, est prêt pour partir en pèlerinage en Palestine. Il présente son héritier Guillaume au parlement de Nomandie. Malgré l’opposition du baron de Normandie et la réputation du petit de « bâtard », le parlement accepte. Durant son absence, Robert nomme Gilbert de Brionne à la tête de la Normandie.

Après une année d’absence, la terrible nouvelle arrive : Robert le magnifique est décédé. C’est la panique. Certains barons ayant pourtant juré fidélité, cherchent l’enfant afin de s’en débarrasser et accéder à la tête de la Normandie. Osbern, sénéchal du duché, prend Guillaume et s’enfuit…

 Informations

  • Durée : 1 h 30 min

  • Nom original : Guillaume le conquérant

  • Sortie : 31 mai 2017

  • Réalisateur : Fabien Drugeon

  • Producteur : Jonathan Perrut

  • Acteurs : Tiésay Deshayes, Jean-Damien Détouillon, Dan Bronchinson, Geoffroy Lidvan, Eric Rulliat, Thomas Debaene, Pierrick Billard, Gauthier Battoue…

  • EAN :

    • DVD : 3760122180666

    • DVD version longue : 3760121806666

 

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