Le grand commerce maritime mondial entre en CRISE et c'est la dernière chance des GPM NORMANDS!
Sur France Culture, on pouvait écouter, dans la matinale du 25 janvier 2017, un nouveau numéro de l'excellente émission "les enjeux internationaux" proposée par Thierry Garcin qui avait invité à son micro Jean-Paul PANCRACIO, professeur des universités à Poitiers spécialiste de droit et de commerce maritime. Pour commencer, les grandes évidences ont été rappelées aux auditeurs:
Les mers couvrent 73% de la surface du globe. Le commerce maritime représente 90% du trafic commercial mondial. Le trafic conteneurisé, inventé par un californien en 1956, représente 80% de ce trafic maritime qui se concentre sur la route principale Chine-Europe. Les vingt plus grands ports du monde sont asiatiques: ils font 90% du trafic. Cependant, l'Europe reste la première région du Monde pour l'économie maritime par la diversité des trafics et des activités liées à la mer sur les littoraux. (par ex: pour le cabotage et le trafic roulier, l'Europe est la première région mondiale avec la Manche qui est la mer la plus fréquentée du monde). Enfin, 90% de la population mondiale habite à moins de 100km des littoraux.
Le Havre, premier port français pour le trafic de marchandises conteneurisées... Pour combien de temps encore?
Le monde de la mer est central et même vital : il conditionne de très nombreuses activités humaines. D’ailleurs, environ 71 % du globe est constitué de mers et d’océans. Et le commerce maritime mondial, sous toutes ses formes, assure plus de 90 % du transport de marchandises.
• Crédits : Leemage - AFP
Le lundi 16 janvier dernier, nous avions d’ailleurs montré l’importance décisive des câbles sous-marins (en fait, la quasi-totalité des communications de données, d’images…).
De plus, les hommes habitent très près des côtes. Les ports sont devenus des « monstres » logistiques, techniques, commerciaux, économiques. On remarquera au passage que sur les vingt premiers ports mondiaux, 85 % sont asiatiques, dont 65 % chinois (soit, les deux tiers) et 10 %... européens. Les ports « irriguent » de plus en plus les arrière-pays.
Et même s’il y a un déport remarquable de l’économie mondiale vers l’Asie (ou les Asie), l’Europe elle-même, en partie océanique, dépend beaucoup de la mer.
Pour le spécialiste poitevin, la messe est dite:
D'ores et déjà, la France et, en particulier, sa région capitale, est ravitaillée depuis Anvers et Rotterdam: "le port de Paris c'est Anvers, pas Le Havre" affirme-t-il.
Et M.Pancracio de déclarer, sans détours, que "le projet du Grand-Paris avec la coulée Paris Rouen Le Havre arrive trop tard" pour faire du Havre un grand hub logistique pour la France dont la région capitale est majoritairement alimentée par Anvers et Rotterdam: le canal Seine Nord Europe va, bien entendu, renforcer cet état de fait.
Pour éviter que la France ne devienne une banlieue maritime de l'Europe, il faut donc que les ports normands réfléchissent, dès maintenant, à un positionnement ALTERNATIF:
N'être plus seulement la tétine maritime de la nourrice grand- parisienne mais être LES ports des exportations françaises vers le reste du monde.
Vers l'Afrique qui va se développer en réalisant la transition écologique que les vieilles puissances industrielles actuelles n'arrivent pas à faire ( le port de Rouen est déjà un port africain)
Vers les Amériques car les liaisons transatlantiques peuvent renaître avec une Amérique latine en pleine transition économique et politique et un canal de Panama dont les capacités ont été doublées. (Le Havre port d'exportation avec, par exemple, les vins et spiritueux).
Sans oublier que la fameuse "nouvelle route de la soie" pour développer le fret ferroviaire entre PEKIN et DUSSELDORF est désormais opérationnelle: le raccordement ferroviaire des grands ports normands vers l'Est (Tergnier- Metz) et non plus seulement vers la région parisienne devrait être l'urgence absolue!
Sur la "nouvelle route de la soie" lire ci-après:
Les Grands ports maritimes normands vont devoir s'affirmer fortement dans des trafics de niche d'exportation ou d'importation de marchandises à forte valeur ajoutée à côté du trafic principal d'importation de marchandises asiatiques conteuneurisées car ce trafic vient d'entrer en crise en raison du ralentissement de la croissance chinoise et de la mutation sociale en cours en Chine.
En effet, il y a eu une bulle spéculative au gigantisme naval qui est en train d' éclater comme avait éclaté la bulle au gigantisme naval pétrolier dans les années 1970. Des géants de l'armement et de la construction navale connaissent en ce moment de graves difficultés financières sinon la faillite. En outre, la tendance générale est au retour d'un certain protectionisme et d'une relance des industries nationales après plus de 40 années de dérégulation néo-libérale libre-échangiste avec les graves conséquences économiques, financières, sociales et politiques que nous savons.
Le commerce maritime international, actuellement dominé par la route des importations chinoises vers l'Occident, ne va pas baisser pour autant mais il est très probable qu'il va se diversifier complètement. Par les routes utilisées et par les types de trafics.
De même, l'impact carbone du transport maritime ou terrestre qui n'a pas été prise en compte à la dernière conférence de Paris sur le climat fera l'objet de réglementations qui devraient stimuler la recherche pour des motorisations marines alternatives et innovantes: un domaine où le savoir technologique français et normand ont encore des choses à faire.
L'avant-port européen normand n'a donc pas encore dit son dernier mot surtout quand on sait que la France dispose du second domaine maritime mondial:
Si les réalités maritimes étaient moins évanescentes dans les grands bureaux parisiens, la France pourrait devenir la maîtresse mondiale des énergies marines et des infrastructures de communication avec les câbles sous-marins (le port de Marseille est déjà positionné sur ce secteur stratégique essentiel et très peu connu du grand public: pourquoi pas Cherbourg pour les câbles transmanches et transaltlantiques?)
Sur le potentiel maritime français en ce qui concerne les énergies renouvelables, écouter les déclarations de Thierry KALANQUIN président de DCNS au micro de Thierry Garcin sur France Culture ("Enjeux Internationaux", émission du 27/01/17):
Il faut donc de mettre au boulot MAINTENANT sur nos deux faiblesses structurelles essentielles: l'organisation de notre hinterland normand et la normandisation de la gouvernance portuaire.
Hervé Morin et Valérie Pécresse ont annoncé le 12 janvier dernier dans leur conférence de presse commune à Gaillon (Eure) leur idée de créer un GPM unique sur la Basse Seine normande: c'est un premier pas dans la bonne direction.
A noter, enfin, sans faire de propagande politique particulière, que le seul candidat qui va prochainement faire causer, à Paris, de ces enjeux maritimes dans la campagne présidentielle en cours, c'est l'hologramme de Jean-Luc Mélenchon... eh oui!