JUIN 2017 en Normandie: LE GRAND RETOUR DES HOMMES DU NORD
Preuve supplémentaire, s'il en était, qu'il existe bel et bien un "revival normand" dans notre région sur ses aspects traditionnellement perçus comme "identitaires": se développent les événements festifs mettant en scène la civilisation matérielle des Vikings, ces fameux Hommes venus du Nord des IX et Xe siècles qui ont fondé notre Normandie tout en laissant leurs noms dans le paysage. La démarche est celle d'assumer et de promouvoir une identité normande fondatrice des origines de notre région qui fut, après intégration et synthèse, le creuset d'une civilisation européenne au tournant du XIIème siècle et dont les valeurs peuvent encore nous parler aujourd'hui.
Cette démarche d'identité normande, donc "viking" pour reprendre le néologisme forgé par Aristide Frémine en 1886 serait identitaire si elle n'était que recherche de la pureté d'une origine ethnique précise avec des valeurs viriles exacerbées sinon guerrières qui ont fait fantasmé une certaine extrême droite néo-païenne des années 1970/1980 heureusement passée de mode aujourd'hui avec le risque de recouvrir l'authenticité historique des "Northmen" du Haut Moyen-âge d'un préjugé violent et "barbare" qui vient directement de la propagande anti normande des moines chroniqueurs qui n'ont pas aimé voir leur abbayes pillées et incendiées avant d'être reconstuites plus grandes et plus belles encore par les ducs de Normandie héritiers des Danois venus s'installer durablement sur les rives de la Seine: ce mythe "viking" aussi bien colporté par les moines carolingiens et leurs copistes successeurs que par des adeptes plus contemporains d'un "Nordisme" aussi vain qu'inutile pour la compréhension de notre histoire et de nos racines régionales a longtemps gêné ceux qui en Normandie et ailleurs en France (c'est, bien entendu, différent dans les pays scandinaves) ont essayé d'avoir une curiosité intellectuelle objective et scientifique sur les réalités historiques de la civilisation des Hommes du Nord et de son apport à la civilisation européenne, au travers de l'exemple de la Normandie, un "Daneland" qui contrairement aux autres (ceux du Nord de l'Angleterre, de l'Irlande ou de l'estuaire de la Loire) a réussi car, les Danois de Rouen ont fait, avec grande intelligence politique, le pari de l'intégration avec les élites chrétiennes gallo-franques.
Après des années de purgatoire ou d'enfer idéologique après le moment "Mabire" où le mythe viking a été étudié et valorisé pour des considérations idéologiques fort éloignées des réalités du Haut-Moyen âge, le temps est venu d'approcher cette matière historique fondatrice de notre région de la façon dont toute l'histoire de la Normandie a été appréhendée depuis que la Normandie existe, c'est à dire depuis plus de onze siècles: A savoir, faire des faits et gestes des Hommes du Nord et des traces qu'ils ont laissé chez nous, un objet d'étude scientifique pour les historiens ou les "antiquaires" c'est à dire les archéologues et partant de là, un objet de pédagogie patrimoniale et historique proposé au grand public sur les bases scientifiques proposées par l'archéologie expérimentales...
En résumé:
On laisse tomber les casques "viking" à cornes et les runes servant de code dont on ne sait quel honneur pour un boucher nazi sanglé dans son uniforme puant la Mort. On laisse aussi tomber les mots de "Viking" ou de "drakkar" des forgeries néo-médiévales d'un Aristide Frémine des années 1880 plus obsédé par une revanche militaire à prendre contre les Allemands que par une réelle curiosité scientifique pour le monde scandinave.
On préfèrera ici au "Nordisme" le "scandinavisme" c'est à dire une curiosité universitaire scientifique normande pour la civilisation des pays scandinaves qui a eu ses premières lettres de noblesse avec Jean Adigard de Gautries et qui se poursuit aujourd'hui avec le jumelage du lycée Corneille de Rouen avec la Norvège, les études scandinaves et l'office universitaire d'études normandes de l'université de Caen ou encore, le festival littéraire des Boréales.
Epuisés par une corvée mythologique et idéologique dont ils n'auraient jamais voulu (ils étaient trop libres et trop fiers pour cela) les Vikings ont pu paraître fatigués ces dernières années, surtout en Normandie pour reprendre le mot du géographe rouennais François Gay. Mais, depuis quelques temps, à l'occasion de l'actuel printemps "printemps normand" amplifié par le retour à l'unité régionale, les "Vikings" sont de retour car ils sont devenus... sérieux: c'est tout l'enjeu actuel pour la Normandie de devenir LA région française de l'Histoire en développant les compagnies de reconstitueurs pratiquant "l'histoire publique", un concept encore peu connu en France mais qui existe depuis longtemps dans le Nord de l'Europe, en Angleterre ainsi qu'en Amérique du Nord: celui de s'appuyer sur les données les plus récentes de la recherche historique et scientifique pour proposer des reconstitutions scrupuleuses de la période historique étudiée selon les méthodes de l'archéologie expérimentale qui a été conçue d'abord par les archéologues préhistoriens puis les autres spécialistes. Dans les pays scandinaves, depuis les années 1960, la méthode de l'archéologie expérimentale de reconstitution concrète de la civilisation matérielle des anciens Hommes du Nord fut déterminante dans la progression des connaissances scientifiques: elle est même devenue au Danemark et en Norvège un véritable sport national...
Loin des rêveries mythiques celtomaniaques de nos amis Bretons ou de la féérie johannique enchantant le disneyland de l'Histoire nationale qu'est devenu le Puy du fou vendéen, la Normandie, grâce au retour des Hommes du Nord par la grande porte de la recherche historique, peut devenir La région française pour les reconstitutions historiques qui ne nous racontent pas d'histoires mais qui permettront à un public de plus en plus intéressé et passionné d'apprendre et de comprendre l'Histoire.
Exemple, le retour des Hommes du Nord à l'occasion de la foire artisanale d'Isigny sur Mer qui s'est déroulée les 24 et 25 juin 2017:
Samedi 24 et dimanche 25 juin 2017, la commune d’Isigny-sur-Mer organise sa foire artisanale agrémentée d’une première fête viking organisée en lien avec l’association Garewall.
Cette première fête viking marquera le lancement des fêtes médiévales dans le Bessin. Un grand campement viking s’installera dans le parc de la mairie. Avenue de Versailles et en centre-ville, les exposants s’installeront pour proposer produits du terroir, restauration, bijoux, sculptures…
Les artisans et concessionnaires de voitures seront aussi présents sur la foire.
– Samedi 24 juin : campement viking de 10 h à 19 h parc de l’hôtel de ville.
11 h : parade en costume viking en centre-ville
11 h 45 : combats viking dans le parc
15 h puis 17 h : exposition de la tapisserie de Rollon salle du Mascaret avec explications de Jean Renaud, professeur émérite de langues, littératures et civilisation scandinaves de l’université de Caen. Mme Renaud fera une démonstration du point de broderie.
15 h 30 : combats vikings sur le parc
16 h 30 : lutte viking (le Glima) sur le parc
22 h 30 : spectacle de feu par la compagnie taos rion devant l’hôtel de ville.
– Dimanche 25 juin : campement viking ouvert de 10 h à 18 h. À 11 h 45 puis 15 h 30 : combats vikings sur le parc, 15 h et 17 h : visite de la tapisserie de Rollon, 16 h 30 : lutte viking (le Glima) sur le parc.
Notre ami et lecteur Rémi Pézeril de l'association Magène, nous a ramené les images suivantes. A Isigny il n'y a donc pas qu'une grosse laiterie industrielle qui fait parler d'elle jusqu'en Chine ou... Walt Disney !
L'épopée de Rollon le Danois a fait l'objet d'une broderie au point de Bayeux:
Rollon accompagné du corbeau d'Odin
Un passage célèbre de la mythologie scandinave: le géant Thjazi transformé en aigle (comme Jupiter ou Zeus) emporte en ses serres la déesse Idunn
Il n'y a pas de légende dans l'histoire de la Normandie car la controverse entre historiens est une vieille habitude normande...
Bivouac "viking"...
Musique "viking"
Démonstration de Glima, la lutte "viking".
Dans en registre plus ludique, signalons aussi la "North Fest" (qui, justement, ne s'appelle plus fête "Viking" en raison de ce que nous avons expliqué plus haut) qui s'est déroulée pour la 18ème année consécutive les 11 et 12 juin 2017 à la Chapelle Saint Ouen en Seine-Maritime:
Parmi les attractions, la création d'un village norvégien du Xe siècle selon les méthodes de l'archéologie expérimentale, création qui nécessite d'avoir recours au financement participatif:
On rappelera qu'il existe depuis plusieurs années, sur ce même sujet de la vie quotidienne au temps des "Vikings" l'expérience menée par l'association Ornavik dans le parc du château de Beauregard à Hérouville Saint Clair près de Caen.
"Des Vikings aux Normands"
Dimanche 25 juin 2017 était proposé au public une très belle expérience de sensibilisation aux plantes et herbes du jardin médiéval...
Enfin on rappelera aux amateurs des arts décoratifs des anciens Hommes du Nord qui étaient de grands orfèvres et des maîtres dans l'art du tissage que vous pouvez retrouver en page d'accueil de ce site (en bas à droite) le lien vers l'excellent "comptoir de Novgorod" pour trouver bijoux et accessoires "Vikings" très authentiques restitués et conçus d'après les modèles archéologiques par une jeune normande passionnée du Bessin.
Avec ce réseau normand d'histoire publique sur les Hommes du Nord qui émerge, la question d'une tête pensante coordinatrice et impulsant recherches, présentation de collections archéologiques, grandes expositions pédagogiques dans un lieu dédié à la présence scandinave en Normandie finira par se poser: c'était, d'ailleurs, l'une des rares bonnes idées normandes d'un certain... Nicolas Mayer-Rossignol.