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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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11 octobre 2018

Colloque de CERISY sur l'architecture en Normandie aux XVIIe et XVIIIe siècles: tout n'a pas été détruit après 1789 ou 1944!

Pour le compte de la Société protectrice des paysages et de l'esthétique de la France mais aussi pour la rédaction de l'Etoile de Normandie, nous avons assisté avec grand plaisir aux deux dernières journées du colloque national consacré à un état des lieux de la recherche universitaire et scientifique sur l'architecture en Normandie à l'époque classique (XVII et XVIIIe siècle) dans le cadre feutré de la bibliothèque du château de Cerisy-La-Salle qui abrite depuis plus de soixante ans maintenant les activités d'un centre international de rencontres intellectuelles, le fameux "colloque de Cerisy" qui participe du rayonnement culturel de la Normandie en France et à l'étranger...

De ce colloque qui s'est étendu du 3 au 7 octobre 2018, avec de nombreuses communications d'intervenants, professeurs émérites, enseignants-chercheurs et étudiants venus de Normandie, de la région parisienne ou de beaucoup plus loin, on retiendra, de notre point de vue normand, les trois grandes idées suivantes:

1) Malgré de terribles destructions, après les Guerres de Religion au XVIe siècle, pendant la Révolution française et puis surtout pendant la dernière guerre mondiale, la Normandie reste un extraordinaire musée à ciel ouvert de toute l'histoire de l'architecture française sur près de 400 ans:

La Normandie, province plutôt conservatrice permet ainsi d'observer, malgré tout, des morceaux d'architecture témoignant de chaque style, de chaque époque ou de tel ou tel grand nom de l'architecture française qui n'ont pas pu être conservés à Paris ou ailleurs en France. C'est ainsi qu'on trouve en Normandie au château de Carrouges les plus anciennes grilles en fer forgé ornant un jardin, le dernier grand escalier encore en place dessiné par Salomon de Brosse au château de Ducey, l'un des tous premiers châteaux dessinés par François Mansart (Balleroy), encore un château encore complet dû au dessin de Nicolas Ledoux à Bénouville... On a donc raison de dire que les Libérateurs de 1944 ont dévasté le musée normand des antiquités et des beaux arts de la France avant de foncer sur Paris et la frontière allemande. Malgré des pertes inestimables, irrémédiables et massives notamment au coeur des villes normandes (on pensera au Havre, à Caen ou à Saint-Lô ou Lisieux, jadis fleurons du patrimoine urbain français), la Normandie reste encore aujourd'hui la région de France la plus richement dotée en bâtiments, objets et sites classés et protégés au titre des Monuments Historiques.

2) La Normandie a très tôt profité d'une proximité assez facile avec le centre parisien dont les modèles et références ont été repris par les élites provinciales normandes, notamment la noblesse de robe tout à son désir de s'affirmer vis-à-vis de la noblesse d'épée plus ancienne:

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Les réseaux entre familles, entre milieux sociaux (par ex: noblesse de robe/ noblesse d'épée/ haute bourgeoisie financière); les réseaux communautaires (par ex: les communautés religieuses) mais aussi les réseaux professionnels des artisans spécialisés (par ex: architectes, ingénieurs, décorateurs, maîtres maçons, ébénistes...) sont très développés et tissent une toile très dense entre la Normandie et Paris où l'on parle de l'existence d'une "nation normande" où les Normands montés à la Capitale s'entraidaient un peu comme les... Bretons aujourd'hui! Cependant, malgré l'intensité de ces liens, il y a peu de grandes dynasties normandes d'architectes qui ont pu ou su s'imposer à Paris et au-delà de la Normandie: les Gabriel se sentent un peu seuls et la recherche doit encore progresser pour identifier les architectes de nombreux châteaux, hôtels particuliers et églises car la dernière guerre mondiale n'a fait qu'accentuer le problème du manque de continuité et d'homogénéité des archives normandes: des fonds d'archives privées existent encore et restent encore à exploiter (par ex: les archives de la famille Beaujour pour le château de Mézidon-Canon; le fonds Turgot autrefois conservé au château familial de Lantheuil).

3) Cependant, la Normandie, au cours du XVIIIe siècle tend à devenir de plus en plus une banlieue sous influence parisienne car, en raison de la guerre persistante avec l'Angleterre, l'économie maritime normande s'effondre (bombardements de Cherbourg, Honfleur, Le Havre et Dieppe par les Anglo-hollandais) avec la transformation des côtes de la Manche en zone militaire:

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La maquette (XVIIIe siècle) du grandiose hôtel de ville de Rouen, dû au dessin de l'architecte rouennais Antoine-Matthieu Lecarpentier qui dessina aussi avant de mourrir la colonnade du palais de Bourbon (Assemblée Nationale) à Paris...

Des villes comme Le Havre et Rouen en souffrent directement tandis qu'à Caen, l'économie régionale se restructure autour de l'exploitation de rente foncière et céréalière des riches terres des campagnes de Caen et Falaise tandis que plus à l'Ouest, le couchage du bocage en herbe affirme la vocation laitière, beurrière et fromagère du pays en lien  avec le gros marché parisien. Dans ce contexte moins reluisant, les projets urbains sont à la peine: on pensera au projet absolument grandiose dessiné par l'architecte rouennais Lecarpentier d'un doublement de la surface bâtie de la ville de Rouen autour d'un magnifique hôtel de ville à construire sur l'actuelle place du Vieux Marché qui aurait dû permettre de maintenir la ville de Rouen dans son statut de seconde ville de France: le projet ne sera jamais mené à bien puisqu'il débuta en pleine Guerre de Sept ans (1756 -1763) contre l'Angleterre.

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En revanche, les noblesses normandes firent édifier de nombreuses 'maisons de plaisance', c'est à dire des châteaux à la campagne, à partir des modèles parisiens circulant dans des catalogues qui diffusaient le dessin des plus grands architectes de Paris (par ex: Blondel), modèles parisiens qu'il fallut parfois adapter aux réalités provinciales normandes avec aussi des questions de fières concurrences revendiquées par des maîtres maçons ou des ingénieurs ou des architectes normands qui voyaient partir les projets les plus ambitieux dans des mains parisiennes... Rien de nouveau sous le soleil!

Pour vous donner une idée du niveau et de la qualité proposée par ce colloque, nous vous proposons la captation son/vidéo de la communication de Claude MIGNOT sur l'influence du château de Balleroy dans l'architecture normande, communication proposée samedi 6 octobre 2018 en la bibliothèque du château de Cerisy-la-Salle: la question de la rigueur méthodologique est essentielle pour éviter de combler les trous de la documentation par des erreurs...

https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences-humaines/balleroy-et-les-echos-normands-dun-chateau-de-francois-mansart

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Cette communication a été prononcée  dans le cadre du colloque intitulé   L'architecture en Normandie à l'âge classique qui  s’est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 3 au 7 octobre 2018, sous la direction d'Étienne FAISANT.

À la suite des deux colloques tenus à Cerisy : L'architecture normande au Moyen Age (1994) et  L'architecture de la Renaissance en Normandie  (1998), cette nouvelle rencontre a poursuivi l’examen et la  valorisation du patrimoine normand en s’intéressant aux XVIIe et XVIIIe  siècles. Si elle demeure peu étudiée, nombre d’importants monuments de  Normandie attendant encore leur première monographie, cette période ne  fut en effet pas un moment moins intense : d’innombrables châteaux et de  grands bâtiments monastiques, entre autres, témoignent toujours de  l’activité qui régna alors dans la province. Celle-ci abrite ainsi des  monuments majeurs, comme le château de Balleroy dû à François Mansart,  celui de Bénouville conçu par Claude-Nicolas Ledoux, ou les bâtiments  conventuels des abbayes de Rouen et de Caen...

Le château de Balleroy bâti au sud-ouest de Bayeux sur les dessins de  François Mansart entre 1631 et 1637 présente une composition pyramidante  impressionnante, qui perfectionne le dessin proposé trois ans plus tôt  pour le château du Plessis-Belleville près de Paris. Mansart en  développe encore l’orchestration paysagère dans les années 1650. Cette  réussite soutenue par le renom de Mansart a-t-elle eu des échos dans la  province, ou les similitudes que l’on croit observer sont-elles  seulement des analogies superficielles ?

Claude Mignot a consacré de nombreuses études à l’architecture française au siècle de Louis XIII, notamment à Mansart.

On ne prête qu'aux riches... Les magnfiques jardins du château de Brécy à l'Ouest de Caen ne sont pas dus dessin de François Mansart.

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 Commentaire de Florestan:

Le colloque de Cerisy était en visite à Caen pour sa journée du 5 octobre 2018 avec une séance publique le matin à l'hôtel de ville (abbaye aux Hommes) et une visite guidée de la ville l'après-midi.

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Mais en passant vers 15h00 sur la place de la République en plein chantier alors que les ultimes vestiges de l'ancienne façade de l'église du séminaire des Eudistes (XVIIe siècle) qui servit d'hôtel de ville de 1792 à 1944 étaient mis à jour pour être totalement détruits depuis afin d'installer dans le sous-sol un immense bassin de béton pour la rétention des eaux pluviales en conséquence d'un centre commercial dont on n'est pas encore sûr qu'il sera un jour construit, nos éminents spécialistes de l'histoire de l'architecture normande furent scandalisés par ce qu'ils virent...

Sans pouvoir vous en dire davantage, il est hautement probable que cette visite désastreuse ne restera pas sans conséquence pour les autorités administratives somnolentes locales qui sont, officiellement, chargées de veiller sur le patrimoine architectural d'une ville qui a failli disparaître totalement sous les bombes de 1944...

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