Billet de Florestan:
Sur l'Etoile de Normandie, on vous donne à lire un texte de Michel Onfray à paraître dans la prochaine édition de l'hebdomadaire Marianne... Une belle méditation sur l'enfance d'un enracinement dans le sol cultivé depuis des millénaires du village normand de Chambois.
Mais ce texte réveillera ma colère et, j'espère, la vôtre...
Car Michel Onfray fait, un nouvelle fois, chuter sa pensée sur un réel qu'on ne veut pas voir, à savoir, le massacre techno-jacobin en cours de notre patrimoine toponymique millénaire consécutif aux fusions de communes imposées par le gouvernement via les préfets...
Une vraie maladie en Normandie qui possédait, avant cette désastreuse réforme, près de 25% des 36000 communes de France issues directement du réseau paroissial encore en place sous Louis XVI. S'il y avait tant de communes en Normandie, comme l'écrit si bien Michel Onfray (en mettant sa plume un peu dans l'encre d'un André Siegfried) c'est qu'elles étaient le constat dans l'ordre public de l'infini variation des terroirs normands ainsi que de leur richesse: petites communes là où la terre est riche, des plus grandes là où la terre est plus pauvre...
Mais la colère de Michel Onfray nous oblige aussi à constater que l'oligarchie qui nous gouverne aujourd'hui (ne parlons plus d'élite) fait pire que les barbares d'autrefois car elle veut nous forcer à devenir des analphabètes en supprimant la transmission de la culture, notamment la culture géo-historique qui, en premier lieu, est celle qui nous permet de savoir où nous sommes et donc, qui nous sommes.
Le grand historien Fernand Braudel dans son magistral chef-d'oeuvre sur l'identité de la France nous avait prévenu (un pressentiment?) qu'il fallait prendre au sérieux la géo-histoire française et les noms propres qu'elle porte.
Nous avons déjà évoqué ce sujet irritant sur l'Etoile de Normandie plusieurs fois et cette situation a été évoquée devant Hervé Morin avec nos amis qui défendent la langue normande à l'occasion du colloque célébrant la reconnaissance officielle des parlers normands par la région Normandie en janvier 2019:
Les fusions de communes provoquent un dommage collatéral insoupçonné, le massacre du patrimoine toponymique normand avec la création de nouveaux noms aussi délirants que saugrenus pour les communes nouvelles.
Parmi les plus mauvais, on citera Caudebec-en-Caux devenu ce ridicule "Rives-en-Seine", La Mailleraye-sur-Seine devenue "Arelaune-en-Seine": après les noms donnés aux départements de 1790 par des révolutionnaires plus idéologues qu'idéalistes qui ont fait définitivement des Français des "Froggies", voici donc quelques nouveaux appels à plonger dans la rivière... définitivement!
Le pire? Peut-être l'exemple de la commune nouvelle de "Salines" remplaçant Troarn et qui vient d'éclater... Il arrive, parfois, que les habitants s'insurgent: aiguillonnés par l'écrivain Gilles Perrault qui habite la commune, les habitants de Sainte- Marie- du- Mont ont ainsi pu échapper à ... "Mont-sur- Mer"!
J'ai proposé, par ailleurs, que l'on consulte des historiens, des érudits locaux, des archéologues, des experts en toponymie avant de faire n'importe quoi ou alors que l'on fasse comme en Belgique:
La commune nouvelle prend le nom de la commune principale et tous les noms des anciennes communes sont officiellement conservés en tant qu'écarts, hameaux, lieu-dits ou quartiers de la nouvelle commune. C'est ce qui avait été fait à Isigny-le-Buat (commune-canton) dans la Manche depuis les années 1970 et ça marche, depuis, très bien car le maillage cantonal aurait pu servir à contenir et à réguler les fusions de communes en évitant des territoires trop grands ou aberrants!
C'est ainsi queI dans la Manche qu'il n'y a plus que... huit intercommunalités, de "Cherbourg-en-Cotentin" (sic!) à la "communauté d'agglomération du Mont saint Michel Normandie" (sic et re-sic! pour être sûr que les Bretons ne nous le prendront pas...). Huit intercoms sur 200 km du Nord au Sud: un délire total! L'Avranchin c'était pourtant un joli nom de pays!
Autre exemple aberrant. François Aubey le maire de Mézidon-Canon, préside la nouvelle intercommunalité qui se nomme "l'agglomération Lisieux-Normandie"(quelle manie de coller "Normandie" aux noms des communes nouvelles ou des nouveaux "EPCI": ont-ils peur de ne plus savoir où nous devons habiter?). Cette intercommunalité située au coeur du Pays d'Auge, s'étendant de Saint-Pierre-sur-Dives à l'Ouest à Fumichon à l'Est, ne s'appelle pas "Pays d'Auge" mais "agglomération" et le maire de Lisieux n'en est pas le président. C'est ubuesque et abscons! A l'instar du logo mystérieux qui est censé symboliser ce nouveau territoire qui défigure un terroir millénaire et ses noms propres...
Voir aussi le dernier essai de Michel Onfray:
https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072872105-le-chemin-de-la-garenne-michel-onfray/
Résumé
En parcourant le chemin de la Garenne qui traverse et forme une boucle aux abords de Chambois, village où il a grandi et où il possède toujours une maison près de celle de sa mère, Michel Onfray retrouve les souvenirs et les sensations de l'enfance. Il se souvient des personnages hauts en couleurs, durs à la peine - ses parents en premier lieu : le père ouvrier agricole, la mère « bonne à tout faire ». L'auteur observe le passage du temps, les ravages de la modernité : les édiles locaux en prennent pour leur grade, les agriculteurs inféodés à l'industrie chimique également, mais aussi les écologistes qui ont fait supprimer les barrages sur la Dives pour favoriser la remontée de saumons dont on n'a jamais vu trace dans cette rivière. On trouve des éloges inattendus : celui de la baronne qui a préféré quitter à jamais le village plutôt que de cohabiter avec les nazis qui avaient réquisitionné son château ; celui de Mme Hay, qui avait fondé une petite école catholique à destination des enfants pauvres, à qui l'auteur attribue son éveil intellectuel malgré les cours de catéchisme et les prières obligatoires. La nature est très présente : l'enfance est pleine de grillons, de couleuvres, de crapauds, de fleurs et de plantes longuement évoquées. Teintée d'une mélancolie sincère et d'un authentique attendrissement, la promenade sur le chemin de la Garenne est l'occasion de croiser les figures chères du passé.