Pendant l'été, quelques lectures normandes...

L'Eté normand est magnifique dans sa subtile combinaison de soleil et de pluie, entre chaleur et fraicheur... Autant de moments suaves et doux pour lire sous l'ombrage des pommiers allongé dans une grasse prairie fleurie non loin de la mer: voilà une bienheureuse sensation de véritable paradis à l'opposé de tous ces enfers où l'on bronze idiot !

Voici une sélection de lectures normandes, libertaires, girondines et anti- autoritaires qui illustreront cette maxime bien de chez nous: "sire de seï !" Rester le "seigneur de soi-même" !

Contre l'arbitraire jacobin d'un dictateur corse et petit: le récit d'une lamentable répression féroce et absurde dans sa disproportion suite à une émeute provoquée à Caen en mars 1812 par quelques gamins et par un ancien partisan chouan légitimiste contre la cherté des grains. Alors que la Grande Armée va rentrer en lambeaux de Russie, la France se serre la ceinture et Caen la normande se souvient qu'elle fut la patrie de Charlotte Corday qui est morte en martyre de la vraie Liberté en lutte contre les premiers tyrans totalitaires de l'Histoire...

A méditer aussi, la relecture passionnante mais impitoyable proposée par le philosophe normand Michel Onfray de la vie plutôt triste de celui qui fut à Londres vers 1800, le "prince des Dandys", un certain George Bryan Brummell, étoile filante nourrie de passions tristes mais tellement "beau" qui fera naufrage à Caen dans la syphilis et la folie. C'est l'occasion d'interroger les origines normandes d'un mythe moderne, celui du "dandy" qui ne désire que lui-même en tant qu'artiste qui sculpte sa propre statue: on lira avec intérêt l'analyse d'un normand sur un autre normand, à savoir l'écrivain Jules Barbey d'Aurévilly qui broda à partir de l'épave du vrai Brummell une physiologie normande du dandysme: ne pas avoir honte du qu'en dira-t-on pour être ce que l'on a souhaité être. L'orgueil au risque de la vanité du dandy normand serait, selon Barbey, un héritage des Vikings au sang pas si froid que cela. Baudelaire admirera lui aussi le prince noir du dandysme déchu, effondré en Normandie pour faire de Brummell un héros encore plus universel: celui d'un chevalier parti en croisade contre la vulgarité...

Lisons la conclusion que propose Michel Onfray:

"Ce que veut Baudelaire? Fonder une espèce d'aritocratie: il s'agit de réhabiliter ce que l'orgueil porte de meilleur afin de lutter contre la trivialité pour la détruire. Empêcher pour le dire dans les mots de Baudelaire, que les bourgeois puissent manger du poète rôti. Les poètes de leur existence se voient ainsi confier une mission politique bien loin de la nostalgie légitimiste et de la restauration monarchique: "dans le trouble de ces époques, quelques hommes déclassés, dégoûtés, désoeuvrés, mais tous riches de force native, peuvent concevoir le projet de fonder une espèce nouvelle d'aristocratie, d'autant plus difficile à rompre qu'elle sera basée sur les facultés les plus précieuses, les plus indestructibles, et sur les dons célestes que le travail et l'argent ne peuvent conférer" (Baudelaire). Le fantôme de Brummell rôde dans un Caen qui n'est plus; en revanche, la grande ombre du dandy baudelairien pourrait agir aujourd'hui et demain en antidote à la barbarie de notre Europe qui s'effondre comme jadis l'Empire romain".

Quand un Don Quichotte normand écrit au Premier Ministre Manuel Valls:

Notre Don Quichotte réunificateur normand préféré, le député radical du Calvados Alain TOURRET a des choses précises à dire au Premier Ministre...

"Alain est un Don Quichotte radical. Il dispose d’un optimisme que je n’ai plus sur le terrain politique. Le bateau coule, il cherche des rustines. Voilà pourquoi je l’aime bien : il nous faut des croyants, Alain est l’un d’entre eux. Ainsi soit-il… "

Michel Onfray

Enfin, pour finir, un tour ou plutôt un retour à Yvetot, au coeur du Pays de Caux avec Annie ERNAUX, pour un essai de véritable "Normanditude", une réflexion en creux sinon dans le creux de la réalité sociale ou sociologique la plus rude, des rapports de domination entre des classes supérieures, aisées, dominatrices et sûres d'elles-mêmes et des classes inférieures et populaires qui cultivent autant une certaine fierté d'être ce qu'on est, malgré tout, qu'un mépris de soi voire une honte insondable: en l'occurrence être une fille vive, belle et intelligente qui va réussir brillamment dans la culture urbaine et bourgeoise tout en reniant des origines rurales, cauchoises et normandes. Pour mieux redécouvrir aujourd'hui combien les racines de l'enfance, quelles qu'elles soient, sont ce qu'il y a de plus authentique dans une vie humaine !

http://www.franceculture.fr/oeuvre-retour-a-yvetot-de-annie-ernaux

Bonnes lectures à tous et toutes !