TRAGEDIE SOCIALE au Nord de Caen: un éboueur se suicide après qu'il a été licencié...
Billet de Florestan:
On a quasiment toutes et tous applaudis à nos fenêtres et balcons tous les soirs à l'heure des théâtres nos premiers de corvée, soignants, pompiers, ambulanciers, chauffeurs -livreurs, ouvriers, caissières, femmes de ménage et éboueurs, qui n'ont jamais cessé de travailler pour permettre à l'économie et à la vie sociale de notre pays de survivre à l'épreuve de deux mois de confinement sanitaire.
Nous étions plein de reconnaissance pour eux et il faut croire que cette union nationale à nos fenêtres a perduré dans nos esprits pour rendre hommage à celles et ceux qui par leur travail et leur dévouement sinon leur courage, méritent toute notre considération et toute notre gratitude...
Or, il semble qu'une seule et même personne a, d'abord, été certainement capable d'applaudir à 20 heures tous les héros du confinement pour, ensuite, licencier sèchement l'un d'entre eux, un éboueur en l'occurence, pour une faute professionnelle à ce point bénigne qu'elle résultait, justement, d'un témoignage d'amitié civique de la part d'habitants de Courseulles-sur-Mer: l'éboueur en question a eu le tort de s'arrêter dans sa tournée pour accepter de partager la bière de l'amitié offerte par quelques braves citoyens. Mal lui en a pris... C'était, pourtant, pendant le temps suspendu du confinement, heureuse parenthèse d'union nationale.
"Vous êtes virés!": le recommandé de la direction l'attendait dans sa boîte aux lettres. C'était le 4 juin.
Quelque temps après, c'est à dire ce jour (11 juin 2020) nous apprenions non sans émotion, que ce salarié de la COVED s'était donné la mort en tenue de travail, à coup de fusil de chasse devant son garage le lendemain de la réception de la funeste missive que l'on retrouva à ses pieds.
Voici maintenant notre colère:
On aimerait bien que les militants gauchistes spécialisés dans l'organisation de manifestations interdites mais tolérées par un certain ministre de l'Intérieur, soient capables de rameuter 2000 personnes sur la place du théâtre de Caen, pour soutenir une famille endeuillée et pour dénoncer une authentique injustice sociale. Mais la gauche militante a, semble-t-il, d'autres chats à fouetter que les nôtres...
IN MEMORIAM
Il s'appelait Stéphano Patry, il avait 46 ans. Veuf, il laisse désormais seul un orphelin de 18 ans...
Revue de presse:
Les réactions fusent sur les réseaux sociaux après le suicide d'un éboueur de 46 ans qui travaillait près de Caen (Calvados).
Le drame qui s’est produit près de Caen (Calvados), vendredi 5 juin 2020, suscite une très grande émotion sur les réseaux sociaux depuis qu’il a été rendu public. Un éboueur de 46 ans s’est suicidé, dans sa tenue de travail, après avoir reçu une lettre de licenciement.
Lire aussi : Licencié, un éboueur se suicide dans sa tenue de travail, près de Caen
Le terrible geste de cet homme, héros du quotidien, applaudi et félicité pendant la crise du coronavirus, relayé par les médias régionaux et nationaux fait le tour de France depuis 24 heures et aussi le tour de la toile.
Pour tous, c’est la tristesse et l’incompréhension qui l’emportent sur le motif de son licenciement : il aurait accepté deux bières offertes par un habitant pour le remercier d’avoir travailler pendant le confinement. L’entreprise qui l’employait la Coved l’a licencié pour « faute réelle et sérieuse ».
Sur Twitter, des centaines d’internautes expriment leur émotion, leur colère, leur « tristesse de ce qui est arrivé à Caen »…
Certains font le parallèle entre ce drame et l’affaire d’un éboueur parisien pris en photo en train de faire une pause pendant ses heures de travail.
Publiée sur Twitter, la photo avait entraîné le licenciement de l’agent d’entretien.
Stéphano Patry a mis fin à ses jours après avoir reçu sa lettre de licenciement. Mi-mai, avec un collègue, il aurait accepté la bière que lui proposaient des habitants de Courseulles-sur-mer en remerciement de leur travail pendant le confinement. La direction silencieuse sort de sa réserve.
Il n'a pas été touché par le Covid , mais par la COVED". Yannick Martin, le délégué CGT de l'entreprise est en larmes. Le suicide vendredi dernier de son collègue Stephano Patry le met hors de lui, tout comme son autre collègue de la CFDT, Ahmed Benani. Tous deux dénoncent les méthodes musclées de la COVED et l'absence de dialogue social depuis quelques années.
Et c'est dans ce contexte que leur collègue Stéphano Patry s'est suicidé vendredi 5 juin en tenue de travail.
Gratitude pour les "héros du quotidien"
La veille, il avait reçu sa lettre de licenciement pour avoir consommé de l'alcool le 15 mai avec des habitants de Courseulles-sur-mer ( Calvados ) qui voulaient le remercier de son travail pendant le confinement. C'est en tout cas ce qu'a expliqué son collègue rippeur Olivier Blancfumey, les deux hommes font équipe depuis 2015. "On sait que c'est tolérance zéro en service mais on avait fini notre tournée, explique-t-il. Et quand on est repartis, la Police municipale est venue nous voir et nous a demandé de souffler dans l'éthylotest. On a dû être dénoncés. C'était positif, 0,36 pour moi et 0,19 ( mg par litre d'air expiré *) pour Stéphano. Elle a prévenu la direction qui est venue sur place. Quand elle est arrivée, j'étais encore positif mais pas Stéphano. Moi j'ai été mis à pied tout de suite, lui, il a pu ramener le camion."
La suite c'est un conseil de discipline et la décision qui tombe la semaine dernière. Licenciement pour les deux hommes. "Moi, j'ai eu le temps de me faire à l'idée parce que j'avais été mis à pied et je ne travaillais plus depuis le 15 mai. Pas Stéphano. Jeudi dernier, il était encore au volant de son camion quand la lettre a été déposée dans sa boite."
"Comme il travaillait encore, il a du espèrer qu'il ne serait pas licencié" - Olivier Blancfumey, collègue de Stéphano Patry
Le lendemain, au petit matin, Stéphano Patry est allé dans son garage avec un fusil de chasse et s'est tiré une balle dans la bouche. C'est son père et son fils de 18 ans qui l'ont découvert. A ses pieds, la lettre de licenciement.
Pour la direction, cela ne s'est pas passé ainsi.
Du côté de la direction de la COVED, la réponse a d'abord été timide et par communiqué.
"Ce qui est arrivé à Caen est une tragédie (...) La direction soutient la décision de son équipe régionale. (...) 3500 chauffeurs du groupe conduisent chaque jour sur les routes françaises au volant de poids lourds et camions de collecte d’ordures ménagères. Notre responsabilité nous oblige à être intransigeants sur les comportements de nos chauffeurs au volant et notamment sur la consommation d’alcool. Nous ne souhaitons pas commenter au-delà cet événement dramatique."
Mais quelques heures plus tard, devant le déferlement de haine sur les réseaux sociaux, le Directeur général de ce groupe de 2700 salariés, Stéphane Leterrier est sorti de sa réserve.
"Cette situation est dramatique, nous sommes tous très choqués, nous n'avons jamais connu ça dans l'entreprise et je n'ai pas voulu m'exprimer pour préserver le deuil de la famille. Mais devant les insultes et les menaces de mort aux équipes du site, qui se trouvent dans une détresse psychologique aggravée, face à ce déversement injustifié de haine sur les réseaux sociaux, il est nécessaire de dire que cela ne s'est pas passé comme tout le monde le rapporte jusqu'à présent".
"S'ils avaient tué des passants avec leur camion parce qu'ils étaient ivres au volant, nous aurions été responsables et cloués au pilori". Stéphane Leterrier -DG de COVED -
Selon ses informations, ce sont des riverains qui ont alerté les services techniques de la ville car les deux hommes titubaient, renversaient des poubelles et hurlaient. La police municipale est alors intervenue pour immobiliser le camion et prévenir les cadres de la COVED. Quand ils sont arrivés sur place, plus de 3 heures après, en milieu d'après-midi, l'un des deux chauffeurs était encore positif et une forte odeur d'alcool embaumait la cabine du camion. Elément aggravant, le relevé GPS du camion fait porter le soupçon sur les deux équipiers car il indique 55 minutes d'arrêt pendant leur tournée du matin, dont 45 minutes devant le même bar de la ville.
Stéphane Leterrier se dit désemparé. "Les équipes ont fait du super boulot pendant le confinement, tout le monde a été très sollicité et a assuré. Voir ce déferlement de haine sur le site du Fresne-Camilly est révoltant. Le suicide de M. Patry est dramatique, nous sommes choqués, mais s'ils avaient tué des passants avec leur camion parce qu'ils étaient ivres au volant, nous aurions été responsables et cloués au pilori. Il y a eu de gros soucis d'alcool dans nos métiers il y a une trentaine d'années, un gros travail a été fait pour que cela cesse. Nous ne pouvons pas accepter ce qui s'est passé et nous devions licencier ces deux personnes."
La famille va porter plainte
Un Conseil économique et social extraordinaire se réunira lundi prochain pour examiner les conséquences de cette affaire. La famille, elle, va porter plainte et les syndicats vont saisir l'inspection du travail. "Stéphano c'est 26 ans de service, il était veuf, il élevait son gamin de 18 ans et vivait chez ses parents âgés, s'émeut Ahmed Benani de la CFDT. Les gars sont choqués, c'est complètement hallucinant d'en arriver à un licenciement pour une bière. La direction n'aurait pas pu juste le mettre à pied, lui donner un blâme et l'accompagner pour que cela ne se reproduise plus. Il est mort ! Il n'a pas supporté cette humiliation."
*ndlr: la conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur ou égal à 0,25 mg par litre d'air expiré donne lieu à une contravention de 135€ et à un retrait de six points sur le permis de conduire. En fonction des circonstances le permis peut-être retiré.
Commentaire de Florestan:
"S'ils avaient tué des passants avec leur camion parce qu'ils étaient ivres au volant, nous aurions été responsables et cloués au pilori."
"Cloués au pilori": le patron de la COVED ne croyait pas si bien dire...